Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 19, 1838.djvu/224

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belle, et les belles, de leur côté, ne s’occupent aucunement du soin de les guérir : de part et d’autre, on court un danger de moins. Celui auquel les hommes échappent sera généralement reconnu ; mais le danger de panser une blessure comme celle de Quentin, blessure légère et nullement dangereuse, était peut-être aussi réel, dans son genre, que celui auquel s’était exposé le jeune Écossais et qui la lui avait fait recevoir.

Nous avons déjà dit que le blessé était d’une beauté remarquable. Lorsqu’il détacha son casque ou, pour mieux dire, son morion, une grande profusion de boucles de cheveux blonds s’en échappèrent autour d’un visage sur lequel la gaieté ordinaire à la jeunesse était tempérée par la rougeur de la modestie et le coloris du plaisir. De son côté, la jeune comtesse, lorsqu’elle fut obligée de tenir le mouchoir sur la blessure pendant que sa tante cherchait quelque vulnéraire dans les bagages, éprouva une émotion et un embarras, mêlés d’un sentiment de compassion pour le malade et de gratitude pour ses services, qui était loin de diminuer à ses yeux la bonne mine et les traits enchanteurs de Durward. En un mot, cet incident semblait amené par le destin pour compléter la communication mystérieuse que, par diverses petites circonstances, en apparence amenées par le hasard, il avait établie entre deux personnes qui, bien que différentes par le rang et la fortune, se ressemblaient infiniment par la jeunesse, la beauté, et un cœur tendre en même temps que romanesque. Il n’est donc pas étonnant qu’à compter de ce moment, l’idée de la comtesse Isabelle, déjà si familière à l’imagination du jeune Écossais, ait rempli complètement son cœur, et que la comtesse, quoique ses sentiments eussent un caractère moins décidé, autant du moins qu’elle se l’avouait à elle-même, ait pensé à son jeune défenseur, à qui elle venait de rendre un service essentiel, avec plus d’émotion qu’à aucun des nombreux gentilshommes qui, depuis deux ans, l’assiégeaient de leurs adorations. Par-dessus tout, lorsque l’image de Campo-Basso, l’indigne favori du duc Charles, avec son air hypocrite, son esprit bas et perfide, son cou de travers et son œil louche, se présentait à sa mémoire, il lui paraissait plus dégoûtant et plus hideux que jamais ; et alors elle prenait la ferme résolution de résister à toute tyrannie qui voudrait la forcer à contracter une union si odieuse.

D’un autre côté, soit que la bonne comtesse Hameline de Croye se connût en beauté masculine, et l’admirât autant que lorsqu’elle