Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 19, 1838.djvu/23

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parents d’Écosse et réclamer leur protection. Mais, après tout, disait-il, il ne s’était pas beaucoup soucié de se présenter à eux dans une position qui ne leur aurait pas fait beaucoup d’honneur et qu’ils auraient pu considérer comme leur imposant quelque honte ; en sorte qu’il crut plus sage de s’en remettre à la Providence, et de se tirer d’affaire du mieux qu’il lui serait possible. Ce qu’il fit dans ce but, je n’ai jamais pu le savoir ; mais, j’en suis sûr, ce noble vieillard ne fit rien qui pût compromettre sa loyauté ; quoi qu’il pût arriver, il resta ferme dans ses principes et dans ses opinions, jusqu’à ce que les événements l’eussent ramené, vieux, pauvre et découragé, dans un pays qu’il avait quitté bien jeune encore, plein de vigueur, de santé, et d’un vif ressentiment qui comptait tirer une prompte vengeance de ceux qui l’en avaient chassé. Si je l’avais connu dans des circonstances plus prospères j’aurais pu rire de quelques traits du caractère du marquis, particulièrement de ses préjugés relatifs à la naissance et sur la politique ; mais, dans la position où il était, quand même ses préjugés n’auraient pas eu pour base une forte conviction, n’auraient pas été ennoblis par un entier désintéressement, il méritait ce respect que nous accordons au martyr ou au confesseur d’une religion différente de la nôtre.

Peu à peu nous devînmes bons amis, et nous prîmes notre café, nous fumâmes notre cigare, nous bûmes notre bavaroise ensemble pendant plus de six semaines, sans que, de part ni d’autre, les affaires apportassent de longues interruptions à ces plaisirs. Ayant, non sans quelque difficulté, trouvé la clef de ses questions relativement à l’Écosse, grâce à une heureuse conjecture que la province de Hanguisse ne pouvait être que notre comté d’Angus, je fus à même de répondre d’une manière plus ou moins satisfaisante à la plupart de celles qu’il me fit sur les parents qu’il avait dans ce pays ; et je ne vis pas sans éprouver quelque surprise que le marquis connaissait la généalogie de quelques-unes des familles distinguées de ce comté beaucoup mieux que je n’aurais pu m’y attendre.

Enfin, notre liaison lui causa tant de satisfaction qu’il en vint jusqu’à se résoudre à m’inviter à dîner au château de Haut-Lieu, château bien digne de ce nom, car il était situé sur une éminence qui commande les bords de la Loire. Cet édifice est à environ trois milles du village où j’avais établi ma résidence temporaire ; et lorsque je le vis pour la première fois, je pardonnai sans peine