Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 19, 1838.djvu/254

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donnés le roi Louis, et aux instructions qu’a reçues notre guide ; mais j’ai appris dans le couvent où nous avons passé la dernière nuit que des maraudeurs infestaient la rive droite de la Meuse, et que le duc de Bourgogne a mis des troupes à leur poursuite. Ces deux circonstances m’alarment pour votre sûreté. Me permettez-vous de faire changer votre itinéraire ? — J’y consens de tout mon cœur, répondit la jeune comtesse. — Ma nièce, ajouta sa tante, je crois, comme vous, que ce jeune homme nous est dévoué ; mais croyez-vous que nous puissions sans danger contrevenir aux instructions du roi Louis, et changer l’itinéraire qu’il nous a si positivement prescrit ? — Eh ! pourquoi aurions-nous égard à ces instructions ? dit Isabelle. Grâce au ciel, je ne suis pas sa sujette. Je me suis mise sous sa protection, et il a abusé de la confiance que j’avais eue en lui. Je ne voudrais pas faire injure à ce jeune homme en hésitant un seul moment entre sa parole et les injonctions de ce despote égoïste et trompeur. — Que le ciel vous récompense pour les paroles que vous venez de prononcer, madame ! » s’écria Quentin avec joie ; « et si je ne justifie pas la confiance qu’elles annoncent, être écartelé dans ce monde par des chevaux sauvages, et condamné dans l’autre à des tourments éternels, serait une peine trop douce pour un tel crime. »

À ces mots, il piqua son cheval et rejoignit le Bohémien. Cet homme semblait d’un caractère singulièrement passif, sinon oublieux. Injures ou menaces, il semblait ne garder aucun souvenir ; et il répondit aux paroles que Durward lui adressa pour entamer la conversation, du même ton que s’il ne se fût rien passé de désagréable entre eux dans le cours de la matinée. — « Le chien, pensa l’Écossais, n’aboie pas en ce moment, parce qu’il a l’intention de régler ses comptes avec moi d’un seul coup en me sautant à la gorge ; mais nous reconnaîtrons avant tout s’il n’est pas possible de battre un traître avec ses propres armes… Eh bien ! honnête Hayraddin, lui dit-il, vous voyagez avec nous depuis dix jours, et vous ne nous avez encore donné aucun échantillon de votre savoir dans l’art de dire la bonne aventure ; cependant vous êtes si ardent à le mettre en pratique, qu’il faut que vous étaliez vos connaissances dans chaque couvent où nous nous arrêtons, au risque de n’avoir d’autre logement pour la nuit qu’une meule de foin. — Vous ne me l’avez jamais demandé, répondit le Bohémien. Vous êtes comme le commun des hommes, vous vous contentez de tourner ces mystères en ridicule par cela seul que vous ne