Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 19, 1838.djvu/262

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monde plus tôt que tu ne t’y attends. — Le Sanglier des Ardennes ! » répéta le Bohémien avec surprise, tandis que sa figure laissait apercevoir plus d’émotion qu’il n’avait coutume d’en montrer ; « ce n’était donc pas une conjecture vague, un soupçon enfanté par le hasard, qui vous ont porté à vouloir obstinément changer de route ? Serait-il possible qu’il existât réellement dans d’autres pays un art divinatoire plus infaillible que celui de nos tribus errantes ? Le saule sous lequel nous parlions n’a pu rapporter nos paroles. Mais, non, non, non, que je suis sot ! Je sais ce que c’est ; m’y voilà : ce saule sur le bord du ruisseau, non loin du couvent, je vous ai vu le regarder en passant, à un demi-mille environ de cette ruche de bourdons ; certes, ce saule n’a pu parler, mais il a pu cacher quelqu’un qui nous écoutait ! À l’avenir, je donnerai audience en pleine campagne ; il n’y aura pas près de moi une touffe de chardons dans laquelle un Écossais se puisse cacher. Ah, ah ! l’Écossais a été plus fin que le Zingaro malgré toute sa subtilité ! Mais sachez, Quentin Durward, que vous l’avez emporté sur moi au détriment de votre bonheur personnel : oui, la fortune que les lignes de votre main annoncent, et que je vous ai prédite, votre obstination vous l’a fait manquer. — Par saint André ! je ris malgré moi de ton impudence ! Comment, où et en quoi ta perfidie, si elle n’eût été déjouée, aurait-elle pu me servir ? Je vous ai entendus convenir que mes jours seraient épargnés, condition que vos dignes alliés auraient eu bien vite oubliée quand nous en serions venus aux coups ; mais à quoi eût pu m’être utile ta lâche trahison, si ce n’est à m’exposer à la mort ou à la captivité, c’est une question à laquelle nul homme ici-bas ne pourrait répondre. — Il ne faut donc point y penser ; car ma reconnaissance va vous donner un autre sujet d’étonnement. Si vous aviez retenu mon salaire, je me serais regardé comme quitte envers vous, et je vous aurais abandonné aux inspirations de votre folie ; au lieu que, dans la situation où nous sommes placés maintenant, je suis encore votre débiteur pour l’affaire qui s’est passée sur les bords du Cher. — Il me semble que j’ai déjà pris une partie du paiement par les malédictions et les injures dont je t’ai accablé. — Des duretés ou des douceurs ne sont que du vent : elles ne sont d’aucun poids dans la balance. Si vous m’aviez frappé au lieu de me menacer… — Je me sens assez disposé à me payer de cette manière, si tu me provoques plus long-temps. — Je ne vous le conseille pas, car un pareil paiement, fait par une main témé-