Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 19, 1838.djvu/279

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pudence sans égale avec laquelle il avait avoué sa perfidie, et il ne pouvait se résoudre à croire qu’aucune entreprise favorisée par lui pût jamais arriver à une conclusion honorable et heureuse.

Ces diverses pensées, telles que de sombres nuages, obscurcissaient le beau paysage que l’imagination de notre héros lui avait d’abord présenté, et elles éloignèrent le sommeil de ses yeux. À l’heure de primes, et même une heure avant, il était dans le jardin, et cette fois personne ne s’opposa à ce qu’il y entrât ni à ce qu’il y restât. Il portait à son bonnet un panache blanc et bleu, aussi parfait que le peu de temps qu’il avait eu pour se le procurer le lui avait permis. Deux heures se passèrent sans qu’on parût faire la moindre attention à lui ; enfin les accords d’un luth se firent entendre ; une fenêtre placée au-dessus de la petite porte par laquelle Marton avait introduit Hayraddin ne tarda pas à s’ouvrir, et Isabelle y parut dans tout l’éclat de sa fraîcheur et de sa beauté. Elle le salua d’un air amical mêlé de réserve, rougit beaucoup en remarquant la manière mystérieuse et significative avec laquelle il lui rendit son salut, ferma la fenêtre, et disparut.

Le jour commençait à luire ; cependant malgré tous ses efforts pour voir ou pour entendre ce qui se passait dans l’intérieur du bâtiment, Quentin ne put rien découvrir qui lui expliquât la singularité de cette disparition. L’authenticité du billet était suffisamment prouvée ; il ne restait qu’à savoir ce qui devait s’ensuivre, et sa belle correspondante ne lui avait pas adressé une seule parole. Au surplus, rien n’annonçait aucun danger immédiat. La comtesse était dans un château fort, sous la protection d’un prince aussi respectable par son pouvoir séculier, que vénérable par son caractère ecclésiastique ; il n’y avait donc aucune nécessité pour l’écuyer aventureux de déployer sa valeur chevaleresque, et il suffisait qu’il se tînt prêt à exécuter les ordres de celle qui lui avait écrit, aussitôt qu’il les recevrait. Mais le destin avait résolu de mettre à l’épreuve son activité avant que ces ordres tant désirés lui parvinssent.

La quatrième nuit après son arrivée à Schonwaldt, Quentin avait fait ses dispositions pour renvoyer le lendemain à la cour de Louis le second des deux varlets qui composaient son escorte ; et il lui avait remis pour son oncle et pour lord Crawford des lettres par lesquelles il leur déclarait renoncer au service de la France, dont il se trouvait dégagé par la trahison à laquelle les instructions secrètes d’Hayraddin l’avaient exposé : ce motif justifiait