Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 19, 1838.djvu/306

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les regards de ses soldats quelque chose qui l’obligeait au respect. Bon nombre d’entre eux étaient Français, et aucun n’ignorait les secours secrets, tant en hommes qu’en argent, que Guillaume avait reçus de ce royaume ; plusieurs même étaient épouvantés de l’action sacrilége et du meurtre que leur chef venait de commettre. Le nom de Charles de Bourgogne, prince dont la colère devait être excitée par les événements dont cette nuit avait été témoin, le peu de politique qu’il y avait à entrer en querelle avec les Liégeois et à mécontenter le roi de France, venaient effrayer leur esprit, malgré le trouble dans lequel leur raison était tombée. En un mot, de la Marck vit que s’il se portait à quelque nouvelle violence, il ne serait même pas secondé par les siens. Affaiblissant donc la sévérité de son front et la férocité de son regard, il déclara « qu’il n’avait aucun mauvais dessein contre ses bons amis de Liège, qui pouvaient en toute liberté, et quand il leur conviendrait, quitter Schonwaldt, quoiqu’il se fût flatté qu’ils resteraient au moins à table toute la nuit pour célébrer avec lui leur victoire. Il ajouta, avec plus de calme qu’à son ordinaire, qu’il serait prêt à entrer en arrangement touchant le partage du butin et touchant les mesures nécessaires pour assurer leur commune défense, soit le jour suivant, soit tout autre jour qu’il leur conviendrait d’assigner. Quant au jeune archer écossais, il espérait qu’il consentirait à passer le reste de la nuit à Schonwaldt, et à honorer son festin de sa présence. »

Quentin le remercia, mais lui dit que ses mouvements étaient subordonnés à ceux de mein herr Pavillon, auquel il lui était enjoint de s’attacher particulièrement ; mais que bien certainement il lui ferait compagnie la première fois qu’il retournerait aux quartiers du vaillant Guillaume de la Marck.

« — Si vos mouvements doivent être conformes aux miens, dit Pavillon, il est probable que vous quitterez Schonwaldt sans un seul moment de retard ; et si vous n’y revenez qu’avec moi, il est probable aussi que vous ne le reverrez pas de long-temps. »

L’honnête citoyen se contenta de prononcer entre ses dents cette dernière partie de sa phrase, effrayé qu’il était des conséquences que pourrait entraîner la manifestation de tels sentiments, et incapable cependant de les renfermer tout à fait dans son cœur.

— « Ne me quittez pas, mes braves enfants, » dit-il à ses gardes du corps, « et sortons aussi promptement que possible de cette caverne de voleurs. »