Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 19, 1838.djvu/321

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des Bohémiens ; qu’au moment où il les quittait, Marton paraissait vouloir prendre la comtesse Hameline sous sa protection ; qu’enfin il était difficile d’imaginer quel motif pourrait porter ces misérables à la tuer, ou seulement à la maltraiter, tandis qu’en la traitant avec égards, ils avaient l’espoir d’en tirer une forte rançon.

Pour distraire sa belle de ces pensées mélancoliques, Quentin lui raconta la trahison du Maugrabin ; comment il avait découvert ses projets pendant la nuit qu’ils passèrent dans un couvent près de Namur, projets qui paraissaient le résultat d’un arrangement fait entre le roi et Guillaume de la Marck. Isabelle frémit d’horreur ; puis, reprenant quelque empire sur elle-même, elle s’écria : « J’ai honte de cette émotion ; j’ai péché en me permettant de douter de la protection des saints, et de croire un seul instant qu’un projet si vil, si cruel, si déshonorant, pût s’accomplir tant qu’il y aura dans le ciel des yeux ouverts sur les misères humaines, et que, les prenant en pitié, ils jettent sur elles un regard protecteur. Un tel projet, quelque horrible qu’il soit, ne doit pas inspirer de crainte ; il faut le regarder comme une trahison infâme, inouïe, et ne pas se rendre coupable d’athéisme en croyant qu’il ait pu réussir. Mais je vois clairement à présent pourquoi l’hypocrite Marton s’efforçait souvent d’entretenir les petites jalousies et les petites querelles qui parfois s’élevaient entre ma pauvre tante et moi ; pourquoi, employant toujours la flatterie envers celle de nous avec qui elle se trouvait, elle faisait ressortir avec adresse ce qui était au désavantage de l’absente. Et cependant je n’aurais jamais imaginé qu’elle eût pu décider ma tante, jadis si affectionnée pour moi, à me laisser à Schonwaldt, au milieu de si grands dangers, tandis qu’elle effectuait sa fuite. — Elle ne vous a donc pas fait part du projet qu’elle méditait ? — Non ; mais elle me parla de je ne sais quelle communication que Marton devait me faire. À dire vrai, la tête de ma pauvre tante était si troublée par le mystérieux langage de l’infâme Hayraddin, à qui elle avait accordé ce jour-là même un long et secret entretien, et elle m’entretint d’idées si extraordinaires que… que je ne pensais guère à lui demander aucune explication en la voyant dans une telle situation d’esprit. Il était pourtant bien affreux de me laisser dans ce château ! — Je dois justifier la comtesse Hameline de ce dernier reproche ; car, au milieu de l’obscurité de la nuit, et dans un moment où il fallait déployer la