Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 19, 1838.djvu/335

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cendent d’Adam et d’Ève. — Mes ancêtres, les Durward de Glen-Houlakin… — Ma foi si vous prétendez à une généalogie qui remonte au delà d’Adam, je n’ai plus rien à dire ; Dieu nous soit en aide ! »

À ces mots, il arrêta son cheval pour laisser à la comtesse le temps de le rejoindre. Mais malgré ses bonnes intentions, les observations et les avis du comte furent encore plus désagréables à celle-ci qu’à Quentin, qui, tout en marchant en avant, murmurait à demi-voix : « Arrogant et froid railleur ! fat présomptueux ! je voudrais que le premier archer écossais qui aura son arquebuse pointée sur toi ne te laissât pas échapper aussi aisément que je l’ai fait. »

Ils arrivèrent dans la soirée à la ville de Charleroi sur la Sambre, où le comte de Crèvecœur se détermina à laisser la comtesse Isabelle, que la terreur et la fatigue de ce jour et du précédent (ils avaient fait un trajet de cinquante milles[1]), jointes aux sensations pénibles qui la poursuivaient sans cesse, avaient mise dans l’impossibilité d’aller plus loin sans compromettre sa santé. Le comte la confia, dans un état d’épuisement total, aux soins de l’abbesse d’un couvent de l’ordre de Cîteaux, dame de haute naissance, qui était alliée aux deux familles de Crèvecœur et de Croye, et sur la sagesse et l’affection de laquelle il pouvait se reposer en toute confiance.

Crèvecœur ne s’arrêta à Charleroi que pour recommander les plus grandes précautions au commandant d’une petite garnison bourguignonne qui occupait cette place, et pour le requérir de donner au couvent une garde d’honneur pendant tout le temps que la comtesse Isabelle de Croye y résiderait, mesure prise en apparence pour sa sûreté, mais qui probablement n’avait d’autre but que de rendre nul tout projet d’évasion si elle était disposée à en former quelqu’un. Le comte donna ordre à la garnison de redoubler de vigilance, se bornant à dire pour motiver cette mesure, qu’il courait un bruit vague de troubles survenus dans l’évêché de Liège : il avait résolu d’être le premier qui porterait au duc Charles les affligeantes et déplorables nouvelles de l’insurrection des Liégeois et du meurtre de leur évêque. S’étant procuré des chevaux frais pour lui et pour sa suite, il se remit donc en chemin, déterminé à se rendre à Péronne sans s’arrêter. En informant Quentin de la nécessité de le suivre, il lui fit, avec son ton rail-

  1. Environ seize lieues. a. m.