Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 19, 1838.djvu/341

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des nouvelles dont lui et son compagnon, le baron d’Hymbercourt, avaient le secret : « Elles sont, lui dit-il, couleur de l’arc-en-ciel : elles varient de teintes, selon les différents aspects sous lesquels on veut les envisager, selon qu’elles sont placées en avant d’un nuage sombre, ou en avant d’un ciel azuré ; jamais pareil arc-en-ciel ne s’est montré en France ni en Flandre depuis l’arche de Noé. — Mes nouvelles, reprit Crèvecœur, ressemblent à une comète : sombres, effrayantes et terribles, elles sont les avant-courrières de malheurs effroyables. — Allons, il faut que nous ouvrions nos balles, dit d’Argenton, sans quoi quelque nouveau venu nous préviendra, car nos nouvelles sont publiques. En un mot, Crèvecœur, écoutez et soyez surpris : le roi Louis est à Péronne ! — Quoi ! » s’écria le comte avec étonnement, « le duc s’est-il donc retiré sans livrer bataille ? et restez-vous ainsi, parés comme si nous étions dans un temps de paix, lorsque la ville est assiégée par les Français ? car je ne puis supposer qu’elle soit prise. — Non, certainement, répondit d’Hymbercourt ; les bannières de Bourgogne n’ont pas reculé d’un pas ; et pourtant le roi Louis est ici. — Il faut donc qu’Édouard d’Angleterre ait traversé les mers avec ses archers, dit Crèvecœur, et que, semblable à son aïeul, il ait remporté une seconde victoire de Poitiers. — Il n’en est rien non plus, reprit d’Argenton. Pas une bannière française n’a été renversée, pas une voile britannique n’a paru sur nos côtes : Édouard s’amuse trop parmi les femmes des citoyens de Londres, pour songer à jouer le rôle du Prince Noir. Mais écoutez une vérité extraordinaire. Vous savez que, lorsque vous nous avez quittés, la conférence entre les plénipotentiaires français et bourguignons avait été rompue, et qu’il ne restait plus aucune chance apparente de réconciliation. — Oui, en effet ; et nous ne rêvions plus que guerre. — Eh bien ! tout ce qui s’est passé ensuite ressemble tellement à un rêve, continua d’Argenton, que j’attends presque le moment du réveil. Il y avait à peine un jour que le duc, en plein conseil, avait protesté avec tant de fureur contre tout nouveau délai, qu’il avait résolu d’envoyer un cartel au roi, et de marcher sur la France à l’instant même. Toison-d’Or, chargé de cette mission, venait de revêtir son costume officiel, et déjà il avait le pied à l’étrier ; tout à coup on vit Mont-Joie, le héraut d’armes français, se diriger en toute diligence vers le camp. Nous pensâmes d’abord que Louis avait eu avis de notre projet, et nous commençâmes à songer au ressentiment que le duc éprouverait