Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 19, 1838.djvu/347

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quelle l’astucieux monarque était aussi habile que personne au monde.

Les manières que Louis prit à l’égard du duc ressemblaient à cette expansion, à cet abandon auquel le cœur se livre dans le premier moment d’une réconciliation sincère avec un ami éprouvé et estimé auquel, par suite de circonstances qui n’existent plus et que l’on a déjà oubliées, on est resté quelque temps étranger. Il se blâmait de n’avoir pas pris plus tôt le parti décisif de venir lui-même convaincre son bon et cher parent que les nuages passagers qui s’étaient élevés entre eux n’étaient rien dans son souvenir, quand il les mettait en comparaison avec les preuves d’amitié qu’il avait reçues de lui pendant son exil de France, lorsqu’il était sous le poids du ressentiment du roi son père. Il parla du duc de Bourgogne, Philippe le Bon, comme on nommait généralement le père du duc Charles, et rappela mille exemples de la bonté toute paternelle qu’il lui avait témoignée.

« Je crois, beau cousin, lui dit-il, que votre père, dans le partage de son affection, faisait peu de différence entre vous et moi ; car je me souviens que, m’étant égaré par accident dans une partie de chasse, je trouvai, à mon retour, le bon duc qui vous réprimandait pour m’avoir laissé dans la forêt, comme si vous eussiez été coupable de négligence relativement à la sûreté d’un frère aîné. »

Les traits du duc de Bourgogne étaient naturellement durs et sévères, et lorsqu’il essaya de sourire pour reconnaître poliment la vérité de ce que le roi lui disait, la grimace qu’il fit était vraiment diabolique.

« Prince des fourbes, » dit-il dans le secret de son âme, « que ne m’est-il permis de te rappeler ici la manière dont tu as payé tous les bienfaits de ma maison ! — Et en supposant, continua le roi, que les liens du sang et de la reconnaissance ne suffisent pas pour nous attacher l’un à l’autre, beau cousin, nous avons de plus ceux de la parenté spirituelle, car je suis parrain de votre fille, la belle Marie, qui m’est aussi chère que si elle était ma propre fille ; et lorsque les saints (que leur bienheureux nom soit béni !) m’envoyèrent un rejeton qui se flétrit et se dessécha en moins de trois mois, ce fut le prince votre père qui tint cet enfant sur les fonts baptismaux, et qui voulut que l’on célébrât cette cérémonie avec plus de pompe et de magnificence que la ville de Paris elle-même n’en aurait pu déployer. Jamais je n’oublierai l’impression pro-