Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 19, 1838.djvu/350

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haut rang, que sa sévérité et son injustice avaient condamnés à l’exil, et qui occupaient près de Charles des emplois de haute importance. Ce fut donc pour se mettre à l’abri d’un ressentiment et d’une vengeance qu’il pouvait craindre, qu’il demanda, ainsi que nous l’avons déjà dit, à être logé dans la citadelle de Péronne, plutôt que dans la ville même. Le duc acquiesça sur-le-champ à cette demande, et l’on vit briller sur son visage un de ces sourires équivoques dont on n’aurait su dire s’il était de bon ou de mauvais augure pour celui qui l’avait excité.

Mais lorsque le roi, s’exprimant avec autant de délicatesse qu’il le pouvait, et de la manière qu’il jugeait la plus efficace pour détourner tout soupçon, demanda qu’il fût permis aux archers écossais d’avoir la garde du château de Péronne pendant tout le temps de sa résidence dans cette forteresse, au lieu de celle de la porte de la ville que le duc leur avait offerte, Charles répondit d’une voix rude et d’un ton brusque que rendait plus alarmants encore l’habitude qu’il avait prise de relever sa moustache en parlant, ou de porter la main à son poignard, dont il semblait prendre plaisir à tirer et retirer à chaque instant la lame du fourreau : « Non, Sire, de par saint Martin ! vous êtes dans le camp et dans la ville de votre vassal, car c’est ainsi qu’on me nomme à l’égard de Votre Majesté ; mon château et ma cité sont à vous, mes soldats sont les vôtres ; il est donc fort indifférent que ce soient eux ou les archers écossais qui gardent les portes extérieures ou les remparts du château. Non, de par saint George ! Péronne est une forteresse vierge ; elle ne perdra pas son honneur par suite de négligence de ma part. Les filles doivent être gardées avec soin, mon royal cousin, si l’on veut qu’elles conservent leur bonne réputation. — Sans doute, beau cousin, sans doute, je suis tout à fait d’accord avec vous, répondit le roi ; et d’ailleurs je suis, dans le fait, plus intéressé que vous-même à la réputation de la bonne ville de Péronne, qui, comme vous le savez, beau cousin, est l’une des places situées sur la Somme qui ont été engagées à votre père d’heureuse mémoire en garantie de certain argent qu’il nous a prêté, et que nous nous sommes réservé le droit de racheter en le remboursant. Et, à vous parler franchement, en débiteur honnête, et prêt à m’acquitter de mes obligations de toute espèce, j’ai amené ici quelques bêtes de somme chargées d’argent pour effectuer ce rachat ; et je crois, beau cousin, qu’il s’en trouvera assez pour subvenir aux dépenses de votre maison, pendant trois