Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 19, 1838.djvu/355

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

tat. À la porte des appartements qui lui étaient destinés, et qui, bien que d’une époque beaucoup plus moderne que la tour, présentaient encore un aspect gothique et sombre, il trouva un petit détachement de ses archers écossais à la tête duquel était leur vieux et fidèle commandant.

« Crawford ! mon brave Crawford ! s’écria le roi, où as-tu donc été aujourd’hui ? Les seigneurs bourguignons ont-ils assez peu d’hospitalité pour avoir négligé un des gentilshommes les plus braves et les plus nobles qui aient jamais paru dans les salons d’un roi ? Je ne t’ai pas vu dans la salle du banquet. — J’ai refusé l’invitation, Sire, répondit Crawford ; on change avec l’âge. — J’ai vu le temps où j’aurais risqué une carouse[1] avec le plus intrépide buveur de toute la Bourgogne, même avec le jus de ses propres treilles ; mais aujourd’hui, quatre malheureuses pintes suffisent pour me troubler la cervelle ; et j’ai cru, dans l’intérêt de Votre Majesté, devoir donner l’exemple de la tempérance aux hommes que je commande. — Tu es toujours prudent, Crawford ; cependant, cela est certain, tu as beaucoup moins de besogne aujourd’hui, n’ayant qu’un faible détachement à commander ; et un jour de fête n’exigeait pas une abstinence aussi rigoureuse qu’un jour de combat. — Sire, moins j’ai d’hommes à commander, et plus il est nécessaire que je maintienne le bon ordre parmi ces maroufles. Tout ceci finira-t-il par un festin, ou par un combat ? c’est ce que Dieu et Votre Majesté savent mieux que le vieux John de Crawford. — Vous ne prévoyez sans doute aucun danger ? » demanda le roi avec précipitation et à voix basse. — Non, Sire ; et je prie le ciel qu’il m’en fasse prévoir ; car, comme avait coutume de le dire le vieux comte Tineman[2], « Dangers prévus sont presque évités. » Le mot d’ordre pour cette nuit, s’il plaît à Votre Majesté. — Ce sera Bourgogne, en l’honneur de notre hôte et d’une liqueur pour laquelle vous n’avez aucun dégoût, Crawford. — Je n’aurai de querelle ni avec le duc ni avec le vin qui porte ce nom, pourvu que l’un et l’autre ne soient pas frelatés. Bonne nuit à votre Majesté. — Bonsoir, mon fidèle Écossais, » répondit le roi ; et il entra dans ses appartements.

À la porte de sa chambre à coucher, il trouva le Balafré en faction. « Suis-moi, » lui dit-il en passant devant lui ; et l’archer,

  1. Vieux mot qui signifie : une débauche de vin. a. m.
  2. Un des comtes de Douglas avait été surnommé ainsi parce qu’il perdait toujours beaucoup de monde dans ses batailles.
    (Note de l’auteur.)