Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 19, 1838.djvu/364

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ébranler leur fidélité, et affaiblir leur dévoûment pour leur noble maître, mais les engager à seconder ses efforts pour la conservation de la paix entre la France et la Bourgogne, but si excellent par lui-même, et qui tendait si évidemment à la félicité des deux pays et des deux princes qui les gouvernaient.

Les égards d’un si grand roi, d’un roi si prudent et si sage, étaient déjà par eux-mêmes de puissants moyens de séduction ; les promesses venaient à l’appui, et les présents directs, que l’usage du temps permettait aux courtisans d’accepter sans scrupule, achevaient le reste. Pendant une chasse au sanglier dans la forêt, tandis que le duc, toujours rempli de l’objet qui l’occupait dans le moment, soit affaire sérieuse, soit plaisir, s’abandonnait entièrement à son ardeur pour la chasse, Louis, n’étant pas gêné par sa présence, trouva le moyen de parler secrètement et tour à tour à ceux des courtisans de Charles qui passaient pour jouir d’un grand crédit sur son esprit, et parmi ces personnages d’Hymbercourt et d’Argenton ne furent point oubliés : aux avances qu’il fit à ces deux hommes distingués, il ne manqua pas de mêler l’éloge de la valeur ainsi que des talents militaires du premier, et de la rare sagacité ainsi que des connaissances littéraires du second, historien futur de cette époque.

Une telle occasion de se concilier personnellement, ou, si le lecteur le préfère, de corrompre les ministres de Charles, était peut-être ce que le roi s’était proposé comme un des principaux objets de sa visite, ses cajoleries auprès du duc lui-même dussent-elles rester sans effet. Les relations entre la France et la Bourgogne étaient si étroites, que plusieurs nobles de ce dernier pays avaient dans le premier des espérances futures ou des intérêts actuels que la faveur de Louis pouvait servir, de même que son déplaisir pouvait les ruiner.

Formé pour ce genre d’intrigue, aussi bien que pour tous les autres, libéral jusqu’à la profusion lorsque ses desseins l’exigeaient, habile à revêtir ses propositions et ses présents des couleurs les plus plausibles, le roi réussit à fléchir l’orgueil des uns par la perspective avantageuse qu’il mettait devant eux, et à présenter aux autres, véritables ou prétendus patriotes, le bien commun de la France et de la Bourgogne comme un motif ostensible, tandis que le moteur réel, l’intérêt particulier, semblable à la roue cachée qui imprime le mouvement à une machine, n’agissait pas moins puissamment, quoique inaperçu. Louis con-