Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 19, 1838.djvu/396

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préjugés ! voilà les seuls maux véritables. Croyez-moi ; un roi dans la plénitude de son pouvoir, s’il est plongé dans l’ignorance et les préjugés, est moins libre que le sage dans un cachot et chargé de lourdes chaînes. C’est à moi qu’il appartient de vous conduire vers le bonheur véritable, et c’est à vous d’écouter mes instructions. — Est-ce donc à cette liberté philosophique que vos leçons prétendent me conduire ? » demanda le roi avec amertume ; « je voudrais que vous m’eussiez dit au Plessis, que le domaine par vous si généreusement promis était un empire sur mes passions ; que le succès que vous m’assuriez était relatif à mes progrès en philosophie ; et que je ne pouvais devenir aussi sage et aussi savant qu’un vagabond, un charlatan d’Italie, qu’au modique et misérable prix de la plus belle couronne de la chrétienté, et de la détention dans un donjon de Péronne. Éloignez-vous d’ici, et n’espérez pas échapper au châtiment que vous avez si justement mérité. Il y a un ciel au-dessus de nous. — Je ne puis vous abandonner à votre destin, Sire, avant d’avoir justifié, même à vos propres yeux, quelque troublés qu’ils soient, cette renommée, joyau plus brillant que les plus brillants de votre couronne, et que l’univers admirera encore plusieurs siècles après que la race des Capets sera éteinte, lorsque vous ne serez plus vous-même qu’une poussière oubliée dans les caveaux de Saint-Denis. — Eh bien ! parle. Ton impudence, sois-en sûr, ne changera ni mon opinion ni ma résolution. Ce jugement est peut-être le dernier que je rendrai à titre de roi, et je ne te condamnerai pas sans t’avoir entendu. Parle donc ; mais le mieux que tu puisses faire est d’avouer la vérité. Conviens que je suis ta dupe, que tu es un imposteur, que ta prétendue science est un rêve, et que les planètes qui brillent au-dessus de nous n’ont pas plus d’influence sur notre destinée que leur image n’a le pouvoir de changer le cours du fleuve dans les eaux duquel elle se réfléchit. — Et comment connaîtrais-tu l’influence secrète de ces lumières célestes ? Tu prétends qu’elles sont incapables d’exercer aucune influence sur les eaux ! mais tu ne sais donc pas que la lune elle-même, la plus faible de toutes les planètes, parce qu’elle est la plus rapprochée de cette misérable terre, tient sous sa domination, non-seulement de faibles ruisseaux comme la Somme, mais encore le vaste Océan lui-même, dont elle règle les marées selon ses diverses phases, et qui lui obéit comme une esclave obéit au moindre signe d’une sultane ? Et maintenant, Louis de Valois, réponds