Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 19, 1838.djvu/430

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ceux d’un homme impatient du frein qu’il s’est imposé lui-même ; il fronçait le sourcil et se mordait les lèvres jusqu’au sang. Enfin, chacun de ses regards, chacun de ses mouvements annonçait que le plus irritable des princes était sous l’empire du plus violent accès de fureur.

Le roi observait d’un œil calme et impassible cette lutte que les passions de Charles se livraient dans son cœur ; car quoique les regards du duc lui fissent sentir un avant-goût des amertumes de la mort, qu’il redoutait comme coupable, cependant il avait résolu, en habile et intrépide pilote, de ne pas se laisser déconcerter par ses craintes, et de conserver le gouvernail tant qu’il lui resterait quelque chance de salut. Lorsque le duc, d’un ton sec et brusque, lui eut adressé quelques excuses sur l’incommodité de son logement, il répondit en souriant, qu’il n’avait pas lieu de se plaindre, puisque, jusqu’à ce moment, la tour d’Herbert avait été pour lui une habitation plus agréable que pour l’un de ses ancêtres. — « Vous êtes donc au courant de cette tradition ? dit Charles. Oui. C’est ici qu’il fut mis à mort ; mais parce qu’il refusa de prendre le froc et de finir ses jours dans un monastère. — Double sottise à lui, » dit le roi en affectant un air d’indifférence, « car il s’attira les douleurs du martyre sans avoir le mérite de mourir saintement. — Je viens, reprit le duc, prier Votre Majesté d’assister à un grand conseil dans lequel on va délibérer sur des questions de la plus haute importance pour le bonheur commun de la France et de la Bourgogne. Vous allez vous y rendre, c’est-à-dire, si tel est votre bon plaisir. — Beau cousin, ne poussez pas la courtoisie jusqu’à prier quand vous pouvez commander hautement. Allons au conseil, puisque tel est le bon plaisir de Votre Grâce. Mon train est fort modeste, » ajouta-t-il en regardant la faible suite qui se disposait à l’accompagner ; « mais beau cousin, vous brillerez pour nous deux. »

Précédés par Toison d’or, chef des hérauts de Bourgogne, les deux princes quittèrent la tour du comte Herbert et traversèrent la cour du château. Louis remarqua qu’elle était remplie de gardes du corps et d’hommes d’armes du duc richement vêtus et rangés en ordre de bataille. Ils entrèrent ensuite dans la grande salle du conseil, située dans une partie du bâtiment beaucoup plus moderne que celle qu’avait occupée Louis ; et quoique cette salle fût dans un état qui exigeait des réparations, on l’avait disposée à la hâte pour l’assemblée solennelle qui allait s’y tenir. Deux fau-