Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 19, 1838.djvu/436

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d’un air de triomphe, à tous ceux qui l’entouraient, si la réponse de la comtesse n’était pas un témoignage rendu à son innocence.

Cependant le duc de Bourgogne jeta sur lui un regard qui semblait dire que, bien que réduit au silence jusqu’à un certain point, il était moins que jamais satisfait ; puis s’adressant à la comtesse d’un ton brusque : « Il me semble, madame, que, dans ce récit de vos aventures, vous avez tout à fait oublié certains épisodes auxquels l’amour n’est pas étranger… Quoi ! déjà rougir !… certains chevaliers de la forêt, par qui votre voyage a été quelques instants troublé. Nous avons entendu parler de cet incident, et il nous a suggéré un projet. Dites-moi, roi Louis, afin d’empêcher cette aventureuse Hélène de Troie, ou de Croye, de semer à l’avenir la discorde entre les rois, ne conviendrait-il pas de lui donner un mari digne d’elle ? »

Quoiqu’il sût d’avance quelle proposition désagréable on allait lui faire, le roi donna un assentiment calme et silencieux à ce que Charles venait de dire. Mais Isabelle, se voyant presque réduite à l’extrémité, sentit renaître son courage. Elle quitta le bras de la comtesse de Crèvecœur, sur lequel elle s’était jusqu’alors appuyée, s’avança d’un air timide mais plein de dignité, et s’agenouillant devant le trône du duc, elle lui parla en ces termes : « Noble duc de Bourgogne, mon seigneur suzerain, j’ai commis une faute, je l’avoue, lorsque je me suis soustraite à votre autorité sans votre gracieuse permission, et je me soumets humblement à tout châtiment qu’il vous plaira de m’infliger. Je laisse à votre disposition mes terres et mes châteaux : je n’implore de votre bonté qu’une seule grâce, en considération de la mémoire de mon père, la grâce de laisser au dernier rejeton de la famille de Croye ce qui lui est indispensable pour se faire admettre dans un couvent, où elle puisse s’ensevelir pour le reste de ses jours. — Que pensez-vous, Sire, de la requête de cette jeune personne ? » dit le duc en s’adressant à Louis. — « Je la considère, répondit le roi, comme une humble et sainte inspiration de cette grâce qui ne doit trouver ni opposition ni résistance. — Quiconque s’abaisse sera élevé, dit Charles. Relevez-vous, comtesse Isabelle. Nous sommes mieux intentionné pour vous que vous ne l’êtes vous-même. Nous n’avons dessein ni de séquestrer vos domaines, ni de diminuer vos honneurs ; nous voulons au contraire accroître les uns et les autres. — Hélas ! monseigneur, » dit la comtesse en continuant de rester à genoux, « c’est votre bienveillance même que j’appréhende,