Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 19, 1838.djvu/467

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nombre à Péronne, montèrent sur les remparts, parées de leurs plus riches atours, afin de jouir du superbe spectacle que présentaient les nombreux guerriers qui partaient pour cette expédition. La comtesse de Crèvecœur y avait conduit Isabelle, qui s’en était défendue avec une extrême répugnance ; mais Charles avait donné l’ordre péremptoire que celle qui devait devenir le prix du combat se montrât aux braves qui se disposaient à entrer dans l’arène.

Pendant que les troupes défilaient, on vit plus d’un pennon et plus d’un bouclier ornés de nouvelles devises qui exprimaient la résolution bien prononcée de celui qui le portait de se mettre sur les rangs avec les chevaliers qui s’apprêtaient à combattre pour un si beau prix. Ici c’était un coursier s’élançant dans la carrière, là, une flèche lancée contre un but ; celui-ci portait sur son écu un cœur percé d’un trait, emblème de sa passion ; celui-là une tête de mort et une couronne de lauriers, pour annoncer sa ferme détermination de vaincre ou de mourir. Enfin, parmi les inventeurs de ces emblèmes, un grand nombre avaient eu l’art de les rendre si compliqués et si obscurs, qu’ils auraient défié le talent du plus subtil interprète. Comme on se l’imaginera aisément aussi, chaque chevalier fit faire à son coursier les courbettes les plus gracieuses, et prit sur sa selle l’attitude la plus élégante, au moment où il passait sous les yeux de ce charmant essaim de dames et de damoiselles qui encourageaient leur valeur par de doux sourires et en agitant leurs mouchoirs et leurs voiles. Les archers de la garde du roi de France, choisis parmi la fleur de la nation écossaise, et pour ainsi dire homme à homme, attirèrent particulièrement les regards, et furent couverts d’applaudissements unanimes à cause de leur bonne tenue et de leur uniforme splendide.

Il y eut aussi parmi ces étrangers un individu qui se hasarda à prouver qu’il n’était pas inconnu de la comtesse Isabelle, ce que n’avaient point osé les membres même les plus distingués de la noblesse française. Ce téméraire était Quentin Durward. En passant devant les dames, il présenta à la comtesse de Croye, au bout de sa lance, la lettre que sa tante lui avait envoyée par le Bohémien.

« Sur mon honneur, s’écria le comte de Crèvecœur, voilà qui est de la dernière insolence de la part d’un indigne aventurier ! — Ne le qualifiez pas ainsi, Crèvecœur, dit Dunois ; j’ai de bonnes raisons de rendre témoignage à sa valeur ; et même c’est en faveur de cette dame qu’il me l’a montrée. — Voilà beaucoup de paroles pour rien, » dit Isabelle rougissant de honte et de ressentiment