Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 19, 1838.djvu/471

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grave à la cause de Charles ; car les paysans ainsi maltraités, qui auraient pu rester neutres dans la querelle, ayant pris les armes pour se détendre, rendirent sa marche difficile en attaquant les petits détachements qui s’éloignaient du gros de l’armée, puis enfin, se repliant sur Liège, augmentèrent le nombre de ceux qui étaient résolus à défendre la ville jusqu’à la dernière extrémité. Les Français, au contraire, qui étaient en petit nombre, et l’élite des troupes de leur pays, fidèles aux ordres qu’ils avaient reçus du roi, ne s’éloignaient jamais de leurs bannières respectives, et observaient la plus sévère discipline. Ce contraste augmenta les soupçons de Charles, qui ne put s’empêcher de remarquer qu’ils se comportaient plutôt en amis des Liégeois qu’en alliés de la Bourgogne.

Enfin, sans avoir éprouvé aucune opposition sérieuse, l’armée arriva dans la riche vallée de la Meuse, devant la grande et populeuse cité de Liège. On vit alors que le château de Schonwaldt avait été presque ruiné, et l’on apprit que Guillaume de la Marck, à qui ses talents militaires tenaient lieu de toute autre vertu, rassemblant toutes ses forces dans la ville, avait résolu d’éviter une rencontre en rase campagne avec les cavaliers de France et de Bourgogne. Mais les confédérés ne furent pas long-temps sans éprouver le danger qu’il y a toujours à attaquer une grande ville, quoique ouverte, lorsque les habitants sont disposés à se défendre avec le courage du désespoir.

Persuadés qu’une ville démantelée, et dont les murailles offraient de larges brèches, ne pouvait opposer aucune résistance, les Bourguignons qui composaient l’avant-garde s’imaginèrent qu’ils y pénétreraient aisément : ils entrèrent donc dans un des faubourgs aux cris de « Bourgogne ! Bourgogne !… tuez !… tuez !… tout ici est à nous !… Souvenez-vous de Louis de Bourbon ! » Mais comme ils marchaient en désordre dans des rues étroites, et qu’ils se dispersaient pour se livrer au pillage, un corps nombreux de Liégeois, sorti tout à coup de la ville, tomba sur eux avec fureur et en fit un horrible carnage. Guillaume de la Marck profita même des brèches qui existaient dans les murailles pour faire faire une sortie aux défenseurs de la ville par plusieurs points, et ces détachements, entrant par plusieurs côtés à la fois dans le faubourg, attaquèrent les assaillants tout à la fois en front, sur les flancs et sur les derrières ; ceux-ci, surpris par une attaque aussi vive qu’imprévue, et serrés de près par des ennemis si nombreux,