Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 19, 1838.djvu/86

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long-temps qu’ils tenaient entre leurs mains la fortune de la France, puisque c’était à eux qu’était confiée la garde immédiate de la personne du roi.

Charles IV avait institué ce corps célèbre des archers de la garde écossaise, comme on les appelait, espèces de gardes du corps, avec plus de raison qu’on ne peut généralement en alléguer pour environner le trône d’une troupe de soldats étrangers et mercenaires. Les dissensions qui avaient détaché de sa couronne plus de la moitié de la France, la fidélité chancelante et douteuse du petit nombre de nobles qui défendaient encore sa cause, faisaient qu’il eût été impolitique et peu prudent de confier à ces feudataires le soin de sa sûreté personnelle. La nation écossaise était l’ennemie héréditaire des Anglais et, à ce qu’il semblait, l’ancienne et naturelle alliée de la France. Les Écossais étaient pauvres, courageux, fidèles ; leurs rangs devaient toujours se recruter avec facilité, à cause de la surabondance de la population de leur pays, celui de toute l’Europe qui vit sortir de son sein les plus nombreux et les plus hardis aventuriers. Leurs prétentions générales à une antique noblesse étaient un excellent titre pour qu’il leur fût accordé d’approcher de la personne du monarque de plus près qu’aucun autre corps de troupe, tandis que leur petit nombre était un obstacle à ce qu’ils pussent se rendre redoutables et dicter des lois là où ils devaient obéir.

D’un autre côté, les monarques français s’étaient fait un point de politique de s’attirer l’affection de ce corps d’élite, en lui accordant des prérogatives honorifiques et une forte paie, que la plupart d’entre eux dépensaient avec une prodigalité toute militaire, pour soutenir ce qu’ils appelaient leur rang. Chacun d’eux était considéré comme gentilhomme, tant à cause de son grade qu’à cause des honneurs qui y étaient attachés ; et leur service, qui les rapprochait constamment de la personne du roi, leur donnait une grande importance à leurs propres yeux, ainsi qu’à ceux de la nation française. Ils étaient armés, équipés et montés richement, et chacun d’eux avait droit à un supplément de solde pour l’entretien d’un écuyer, d’un varlet, d’un page et de deux yeomen[1], dont l’un était appelé coutelier, à cause du grand couteau qu’il portait pour achever ceux que son maître avait renversés dans la mêlée. Avec cette suite et un équipage qui y répondait, un archer de la garde écossaise était un personnage de qualité et d’impor-

  1. Archers d’un rang inférieur. a. m.