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LES CHRONIQUES DE LA CANONGATE.

encore les liaisons précieuses qu’une éphémère célébrité m’a mis dans le cas de former avec les hommes les plus distingués par leurs talents et leur génie, liaisons qui, j’ose l’espérer, reposent maintenant sur une base plus solide que les circonstances qui les firent naître. Cependant, tout en sentant ces avantages comme un homme doit et peut les sentir, il m’est permis de dire avec vérité et confiance, que j’ai bu dans la coupe flatteuse de la louange, sans m’en laisser enivrer, et que jamais, soit dans ma conversation, soit dans ma correspondance, je n’ai encouragé les discussions qui pouvaient avoir rapport à mes travaux littéraires. Au contraire, j’ai toujours trouvé de tels sujets embarrassants et pénibles, même lorsqu’ils étaient amenés par les motifs les plus flatteurs pour moi.

Je viens d’avouer franchement mes raisons pour garder l’anonyme ; du moins, voilà toutes celles que je crois avoir eues, et le public voudra bien me pardonner ce qu’il y a de personnel dans ces détails, comme nécessairement lié au sujet. L’auteur, si long-temps et si hautement demandé, vient de paraître sur la scène, et de saluer son auditoire… Jusque-là, sa conduite n’est qu’une marque de respect : y rester plus long-temps serait une importunité.

Je ne puis que répéter l’aveu que j’ai déjà fait verbalement, et que je vais maintenant livrer à la presse : oui, je suis le seul et unique auteur des romans publiés sous le nom de l’auteur de Waverley. Je fais cet aveu sans honte, ne croyant pas qu’on y puisse rien reprendre comme contraire à la religion et à la morale : je le fais sans aucun sentiment d’orgueil, car, quel qu’ait pu être leur succès temporaire, je sens combien leur réputation dépend du caprice de la mode ; et, comme je l’ai déjà dit, la conviction de tout ce qu’une pareille gloire a de précaire a modéré en moi le désir de la posséder.

Je dois dire, avant de conclure, que, par suite de liaisons intimes, ou d’une confidence devenue nécessaire, il y avait au moins vingt personnes dans le secret. Or, comme à ma connaissance, il n’y a pas d’exemple qu’une seule ait abusé de cette confiance, je leur en suis d’autant plus obligé, que le peu d’importance du mystère n’était pas fait pour inspirer beaucoup de respect aux initiés.

Quant à l’ouvrage suivant, il avait été conçu, et en partie imprimé long-temps avant que la reconnaissance des romans eût