Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 20, 1838.djvu/40

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si je me révoltais contre son autorité, même lorsqu’elle me semble exercée un peu capricieusement. Certes, à mon âge, je pourrais, maître comme je le suis de mes actions et de ma conduite sous tout autre rapport, m’attendre à ce qu’on m’expliquât d’une manière franche et loyale, dans mon propre intérêt, le motif qui m’exclut d’Angleterre. Pourtant, je ne veux pas en murmurer. Je connaîtrai toute cette histoire un jour, j’espère ; et peut-être, après tout, comme vous le soupçonnez, n’y trouverai-je rien de bien étonnant.

Impossible cependant de ne pas s’émerveiller ; — mais du diable si je m’émerveille encore : ma lettre serait aussi pleine de miracles qu’une des annonces de Katter felto. Je désire vivement vous faire, au lieu de cette ridicule répétition de conjectures et de présages, le récit d’une petite aventure qui m’est arrivée hier ; quoique je sois sûr que, selon votre habitude, vous examinerez ma pauvre histoire par le côté de la lorgnette qui rapetisse les objets, et la réduirez, more tuo, aux plus communes trivialités, auxquelles vous m’accuserez ensuite de donner trop d’importance. Allez vous promener, Alan, vous êtes un confident aussi impropre à un jeune étourdi qui ne manque pas d’imagination, que le vieux et taciturne secrétaire de Facardin de Trébizonde[1]. Après tout, nous devons chacun accomplir notre destinée. Il me faut, à moi, voir, agir et parler ; — et vous, comme un Hollandais enfermé dans une diligence avec un Gascon, écouter et lever les épaules.

À propos de Dumfries, capitale de ce comté, j’ai peu de chose à dire, et je n’abuserai pas de votre patience en vous rappelant qu’elle est bâtie sur la jolie rivière de Nith ; et que son cimetière, qui est le lieu le plus élevé de toute la ville, domine sur une vue aussi belle qu’étendue. Je n’userai pas non plus de mon privilège de voyageur pour vous condamner à lire la longue histoire de Bruce, poignardant Comyn le Rouge[2] dans l’église des Dominicains, qui s’élevait en cet endroit, et devenant roi et patriote parce qu’il avait été sacrilège et assassin. Les habitants de Dumfries se souviennent encore de ce forfait, et ils le justifient en disant que ce n’était qu’une église papiste ; — c’est pourquoi les murailles en ont été si complètement démolies, qu’il n’en reste aucun vestige. C’est une fameuse bande de presbytériens bleus que ces bourgeois

  1. Voir les Facardins d’Hamilton.
  2. L’histoire d’Écosse parle en détail de cet événement. a. m.