Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 20, 1838.djvu/49

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cours et les enclos qui en dépendaient, occupaient une esplanade de deux acres ; un ruisseau assez considérable (à en juger par son bruit) avait formé ce terrain d’alluvion d’un côté du petit glen ; les bords de ce ruisseau semblaient couverts d’arbres et plongés dans l’obscurité, tandis que l’espace où s’élevaient les chaumières jouissait de l’éclat passager que la lune accordait cette nuit-là.

J’eus peu de temps pour faire ces observations ; car un coup de sifflet de mon compagnon, suivi d’un appel à haute voix, attira bientôt à la porte de la principale habitation un homme et une femme, accompagnés de deux énormes chiens de Terre-Neuve, dont j’avais déjà entendu les aboiements depuis quelque temps. Un ou deux bassets glapissants, qui s’étaient joints au concert, se turent en apercevant mon conducteur, et se mirent à sauter après lui pour le caresser. La femme se retira quand elle vit un étranger ; l’homme, qui avait une lanterne allumée, s’avança, et, sans dire mot, prit le cheval de mon hôte, pour le conduire à l’écurie, tandis que je suivais mon libérateur dans la maison. Lorsque nous eûmes traversé le hallan[1], nous entrâmes dans une pièce très-régulière, proprement carrelée en briques, où un feu flambait, à ma grande satisfaction, dans une de ces cheminées à manteau très-saillant, communes dans les maisons écossaises. Il y avait des sièges de pierre dans la cheminée ; et des ustensiles de ménage, mêlés à des épieux pour pêcher, à des lignes et à d’autres instruments de même genre, étaient suspendus aux murailles de la chambre. La femme, qui s’était d’abord présentée sur la porte, avait alors battu en retraite dans un appartement de côté. Elle y fut bientôt rejointe par mon guide, après qu’il m’eut invité par un geste silencieux à m’asseoir. À leur place, survint une vieille portant une robe d’étoffe grise, un tablier à carreaux et un grand bonnet[2] ; c’était évidemment une servante, quoiqu’elle fût mise avec plus de propreté qu’on n’en trouve ordinairement chez les personnes de cette classe : avantage qui était d’ailleurs contrebalancé par un air fort rebutant. Mais la partie la plus singulière de son accoutrement, dans cette contrée toute protestante, était un chapelet, dont les petits grains étaient de chêne noir, et ceux qui marquent les pater et les ave étaient d’argent ; à ce chapelet était suspendu un crucifix de même métal.

  1. Espèce de cloison qui sépare la première pièce de la seconde dans une chaumière écossaise. a. m.
  2. Toy, sorte de coiffure de femme du peuple en Écosse. a. m.