Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/133

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temps où j’ai vu cette femme… peut-être n’était-elle visible, comme il arrive souvent, dit-on, pour les apparitions fantastiques, que pour une seule personne à la fois. — Vous supposez donc que l’apparition était imaginaire ou fantastique ? — Que vous dirai-je ? l’Église ordonne de croire qu’il existe de pareilles choses ; et assurément il est plus naturel de penser que cette apparition est une illusion toute pure que de supposer Aune de Geierstein, cette fille modeste et bien élevée, capable d’aller courir les bois à une heure indue, quand la sûreté et les convenances lui commandaient expressément de rester à la maison. — Il y a beaucoup de bon dans ce que vous dites ; et pourtant il court certaines histoires, quoiqu’on se soucie fort peu de les répéter, qui pourraient donner à entendre qu’Anne de Geierstein ne ressemble pas tout-à-fait aux autres filles, et qu’elle a été souvent rencontrée en corps et en esprit dans des lieux où elle n’aurait guère pu arriver par ses propres efforts seulement, et sans secours étranger. — Ah ! si jeune, si belle, et déjà liguée avec l’ennemi du genre humain ! C’est impossible. — Je ne dis pas qu’il en soit ainsi, et je n’ai pas maintenant le loisir de vous expliquer plus complètement ma pensée. Quand nous serons de retour au château de Graff’s-Lust, je pourrai vous en dire davantage. Mais je vous ai mis de cette patrouille particulièrement pour vous présenter à quelques amis que vous serez content de connaître, et qui désirent faire votre connaissance : or c’est ici que je m’attends à les rencontrer. »

En parlant ainsi, il tourna un angle de rocher faisant saillie, et une scène inattendue se présenta aux yeux du jeune Anglais.

Dans une espèce d’encoignure ou grotte abritée par un roc saillant, brûlait un grand feu de bois, et à l’entour étaient assis, couchés ou étendus, douze ou quinze jeune gens qui portaient le costume suisse, mais décoré d’ornements et de broderies qui réfléchissaient l’éclat des flammes. La lumière rouge était renvoyée par les coupes d’argent qui circulaient de main en main avec les flacons destinés à les remplir. Arthur put aussi remarquer les restes d’un festin auquel on semblait avoir récemment rendu les honneurs convenables.

Les convives se levèrent gaîment à la vue de Donnerhugel et de son camarade, et le saluèrent, tant il était facile à distinguer par sa taille, du titre de capitaine, prononcé avec chaleur et enthousiasme, tandis qu’en même temps toute tendance à de bruyantes acclamations était prudemment repoussée. Leur zèle indiquait que Rudol-