Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/153

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lution pourtant : tournant la clef, il ouvrit la porte et entra. Le page suivit de près son maître, et fut surpris, au point d’en être extrêmement effrayé, de ce qu’il vit alors, quoique l’objet, quelque extraordinaire qu’il fût, n’eût rien que de charmant et d’aimable.

« La lampe d’argent était éteinte ou avait disparu de son piédestal, en place duquel se tenait une femme d’une beauté ravissante, portant le costume perse où dominait la couleur rose ; mais elle n’avait ni turban ni aucune parure de tête, sauf un ruban bleu passé autour de ses cheveux bruns et attaché par une agrafe d’or dont le côté visible était orné d’une superbe opale qui, au milieu des couleurs changeantes propres à cette pierre précieuse, répandait une légère teinte de rouge semblable à une étincelle de feu. La taille de cette jeune personne était plutôt au dessous de la moyenne, mais parfaitement bien prise. Le costume oriental, avec les larges pantalons liés autour des chevilles, laissait voir les plus jolis petits pieds qu’on vit jamais, tandis que des mains et des bras d’une proportion parfaite sortaient de dessous les plis de la robe. La physionomie de cette petite créature était d’un caractère aimable et expressif, où semblaient prédominer la vivacité et l’esprit ; enfin, ses yeux vifs et noirs, avec leurs sourcils bien arqués, paraissaient présager les remarques fines que ses lèvres roses et souriant à demi étaient prêtes à laisser échapper.

« Le piédestal sur lequel elle se tenait, ou plutôt était perchée, n’aurait point paru assez solide si un corps plus pesant que le sien l’eût occupé. Mais, de quelque manière qu’elle s’y fût placée, elle semblait s’y tenir aussi légère et aussi sûre qu’une linotte qui descend du haut des airs se poser sur la tige d’un bouton de rose. Le premier rayon du soleil levant, tombant à travers une fenêtre directement opposée au piédestal, augmenta encore l’effet de cette charmante figure, qui demeurait aussi immobile que si elle eût été de marbre. Elle ne témoigna s’apercevoir de la présence du baron d’Arnheim que par une respiration plus pressée et une vive rougeur accompagnée d’un léger sourire.

« Quelque raison que pût avoir le baron d’Arnheim pour s’attendre à voir un objet tel que celui qui se trouvait alors sous ses yeux, cet objet déployait une beauté tellement au dessus de l’attente du baron, que celui-ci resta un moment sans pouvoir respirer. Mais soudain il sembla se rappeler que son devoir exigeait qu’il souhaitât à la belle étrangère la bienvenue dans son château, et la délivrât