Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/155

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point de vue, mais qu’il devait avouer à son retour « qu’on ne lui avait pas même dit la moitié de la vérité. »

« Par suite de ce témoignage irrécusable, les bruits sinistres auxquels avait donné naissance la singulière apparition de la belle étrangère ne tardèrent pas à cesser, d’autant mieux que l’amabilité de ses manières lui gagnait, même involontairement, la bienveillance de tous ceux qui l’approchaient.

« Cependant un changement notable commençait à s’opérer dans les entrevues de la charmante institutrice et de son élève. Elles se passaient bien toujours avec les mêmes précautions, et jamais, autant du moins qu’on pouvait l’observer, elles n’avaient lieu hors de la présence de la comtesse de Waldstetten ou de quelque autre tierce personne aussi respectable ; mais le lieu de ces rencontres n’était plus la bibliothèque du savant, ni le laboratoire du chimiste… les jardins et les bosquets leur semblaient avoir aussi des agréments. Des parties de chasse et de pêche, des soirées entières consacrées à la danse paraissaient annoncer que les études de la sagesse étaient momentanément abandonnées pour la poursuite des plaisirs. Il n’était pas difficile de deviner la cause de tout cela : le baron d’Arnheim et la séduisante Hermione, parlant une langue différente de toutes les autres, pouvaient savourer les délices d’une conversation privée au milieu même du tumulte et de la gaité qui les entouraient, et personne ne fut surpris d’entendre annoncer formellement, après plusieurs semaines de fêtes, que la belle Persane allait épouser le baron d’Arnheim.

« Les manières de cette séduisante jeune personne étaient si aimables, sa conversation si animée, son esprit si vif, pourtant si bien tempéré par son bon naturel et sa modestie, que, malgré son origine inconnue, sa haute fortune excitait moins l’envie qu’on n’aurait pu s’y attendre dans un cas si singulier. Surtout sa générosité captivait et gagnait les cœurs de toutes les jeunes personnes qui l’approchaient. Sa richesse semblait n’avoir pas de bornes, car les joyaux qu’elle distribuait à ses belles amies l’auraient autrement laissée sans parure pour elle-même. Ces bonnes qualités, cette libéralité principalement, non moins que la simplicité de son esprit et de son caractère, qui formait un délicieux contraste avec l’étendue des connaissances acquises qu’elle était connue pour posséder… tous ces heureux dons et l’absence complète de toute vanité lui faisaient pardonner sa supériorité par ses compagnes mêmes. On remarquait encore dans elle certaines particularités, exagérées