Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/166

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formaient un mystérieux chaos, et il ne pouvait trouver aucune clef pour y pénétrer ; en outre, la nécessité de s’entretenir aussitôt avec son père donna forcément un autre cours à ses pensées. Il était obligé de recourir au mystère et à la précaution. Il alla donc se reposer auprès de son père, dont le lit, suivant l’hospitalité qu’il avait trouvée depuis le commencement de son séjour au milieu des bons Helvétiens, avait été disposé dans la place de l’appartement qu’on avait jugée la plus convenable, et un peu à l’écart des autres. Il dormait profondément, mais il s’éveilla, touché par son fils, qui lui annonça à voix basse et en anglais, pour plus de précautions, qu’il avait d’importantes nouvelles à lui communiquer en particulier.

« Est-ce une attaque de notre poste ? dit le vieux Philipson ; nous faut-il prendre les armes ? — Pas encore, dit Arthur ; je vous prie de ne pas vous lever, de ne pas donner l’alarme… c’est une affaire qui ne concerne que vous. — Dites donc vite, mon fils ; vous parlez à un homme trop habitué au péril pour qu’il s’en effraie. — C’est un cas à examiner dans votre sagesse. J’ai appris, durant la patrouille que j’ai faite, que le gouverneur de La Ferette saisirait indubitablement votre bagage et vos marchandises, sous prétexte de lever le tribut que réclame le duc de Bourgogne. On m’a aussi informé que les jeunes Suisses qui nous servent d’escorte sont déterminés à ne pas souffrir cette exaction, et se croient assez nombreux, assez forts pour le faire avec succès. — Par saint George ! cela ne doit pas être ; ce serait mal payer de retour le bon landamman que de donner au fier duc le prétexte d’une guerre que l’excellent vieillard désire si vivement éviter autant que possible. Toutes les exactions, quelles qu’elles soient, je m’y soumettrai joyeusement ; mais si l’on saisissait mes papiers, je serais perdu. Je n’étais pas sans crainte à ce sujet : aussi ne me suis-je pas réuni très volontiers à la troupe du landamman : il faut nous en séparer. Ce rapace gouverneur ne mettra sûrement pas la main sur une députation qui se rend à la cour de son maître sous la protection du droit des gens ; mais je vois sans peine que notre présence parmi eux pourra occasionner une querelle qui satisfera également et les vues sordides du gouverneur, et l’humeur belliqueuse de ces jeunes gens qui ne cherchent qu’à se faire insulter. L’insulte ne leur viendra point à cause de nous. Nous laisserons les députés prendre les devants, et nous attendrons qu’ils soient passés. Si ce d’Hagenbach n’est pas le plus déraisonnable des hommes, je trouverai moyen de