Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/201

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voir des sentinelles, mais elles ne te verront pas… ne leur parle pas, mais passe par dessus la palissade comme tu pourras. Je pense que tu es capable d’escalader un rempart qui n’est pas défendu. — J’en ai franchi un qui l’était, répliqua Arthur. Que faudrait-il ensuite que je fisse ?… tout cela est facile. — Tu verras une espèce de buisson, ou plutôt un massif de taillis épais… dirige-toi en toute hâte vers ce lieu. Quand tu y seras, tourne vers l’est ; mais prends garde, en suivant cette route, d’être aperçu par les compagnons libres de Bourgogne, qui font le service sur cette partie des murs. Une pluie de flèches et une sortie d’un corps de cavalerie pour te poursuivre en seraient la conséquence s’ils venaient à t’apercevoir, car leurs yeux sont ceux de l’aigle qui épie de loin sa proie. — Je serai prudent, dit le jeune Anglais. — Tu trouveras, continua le prêtre, de l’autre côté du buisson un chemin, ou plutôt un sentier fait pour les moutons, qui, passant à une certaine distance des murailles, te conduira enfin à la route menant de La Ferette à Bâle. Fais alors diligence pour rencontrer les Suisses qui s’avancent ; dis-leur que les heures de ton père sont comptées et qu’ils doivent se presser s’ils veulent le sauver ; dis spécialement à Rudolphe Donnerhugel que le prêtre noir de Saint-Paul l’attend pour lui donner sa bénédiction à la poterne du Nord. Me comprends-tu ? — Parfaitement, » répondit le jeune homme.

Le prêtre de Saint-Paul poussa alors la porte basse de la tourelle, et Arthur allait déjà se précipiter dans l’escalier qui se déployait devant lui :

« Arrête encore un moment, dit le prêtre, et quitte cet habit de novice qui maintenant ne peut servir qu’à t’embarrasser. »

Arthur s’en débarrassa en moins d’une seconde, et mit le pied sur la première marche.

« Un moment encore, s’il est possible, » continua le prêtre noir. « Cette robe dont je suis revêtu peut nous trahir, arrête-toi donc et aide-moi à la quitter. »

Quoique intérieurement Arthur brûlât d’impatience, il sentit néanmoins la nécessité d’obéir à son guide ; et quand il lui eut ôté sa longue et large robe de dessus, le vieillard se présenta à ses yeux couvert d’une simple soutane de serge noire, convenable à son ordre et à sa profession, attachée non avec une ceinture telle qu’en portent les ecclésiastiques, mais avec un ceinturon de buffle très peu canonique, d’où pendait un sabre court qu’on ne maniait qu’à deux mains, capable de tout fendre et pourfendre.