Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/218

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jeunes gens désiraient se débarrasser d’une discipline régulière et pacifique, pour plaire à ceux, qui sont avides de guerres et de conquêtes. »

Le landamman sorti de son habituelle sérénité de caractère, et effrayé de la conduite de ses compatriotes en son absence, réfléchissait ainsi sur ses amis et ses compagnons, tandis que le bruit lointain mourait peu à peu et faisait place au silence le plus complet.

« Que faut-il faire maintenant ? dit Arthur Philipson ; j’espère qu’ils vont profiter de ce moment de repos pour faire l’appel et chercher alors ceux qui ne répondront pas. »

Il sembla que le souhait du jeune homme avait été soudain réalisé ; car il finissait à peine de parler, que la clef tourna dans la serrure, et la porte fut ouverte par un individu qui s’élança de derrière et monta l’escalier avant que les captifs mis en liberté pussent apercevoir leur libérateur.

« C’est le geôlier sans doute, dit le landamman, qui peut craindre, et ce n’est pas sans raison, que nous ne lui gardions rancune pour notre détention dans ce cachot, loin d’être reconnaissants de la délivrance. »

En parlant ainsi ils montèrent l’escalier étroit, et sortirent par la porte de la tour d’entrée, où les attendait un singulier spectacle. Les députés suisses et leur escorte se tenaient encore fermes et serré sur leurs rangs, à l’endroit même où d’Hagenbach s’était proposé de les assaillir. Quelques soldats de l’ex-gouverneur, désarmés et redoutant la fureur d’une multitude de bourgeois qui remplissaient alors les rues, demeuraient, les yeux baissés, derrière la phalange des montagnards, comme leur plus sûr endroit de retraite. Mais ce n’était pas tout.

Les chariots, si récemment placés de manière à obstruer le passage de la rue, se trouvaient alors joints ensemble, et servaient à soutenir une plate-forme ou estrade, qui avait été construite à la hâte avec des planches. Dessus était une chaise dans laquelle était assis un homme grand, la tête, le cou et les épaules nus, le reste du corps couvert d’une armure brillante. Son visage était aussi pâle que la mort : pourtant Arthur Philipson reconnut le féroce gouverneur, sir Archibald d’Hagenbach. Il paraissait lié sur la chaise. À sa droite et près de lui se tenait le prêtre de Saint-Paul, récitant, à voix basse, des prières, avec son bréviaire à la main ; tandis qu’à gauche et un peu derrière lui apparaissait un homme haut de taille,