Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/237

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conduisait avec une grâce et une dextérité singulières. Elle portait à la main droite un de ces gants qui servaient à tenir les faucons, et avait un émérillon perché dessus. Sa tête était couverte d’une large toque, et, comme c’était fréquemment l’usage à cette époque, elle portait une espèce de masque en soie noire qui cachait toute sa f igure. Malgré ce déguisement, le cœur d’Arthur tressaillit à la vue de ces étrangers, car il fut tout-à-coup certain de reconnaître l’incomparable tournure de la vierge suisse, qui occupait si constamment ses idées. Elle était accompagnée d’un fauconnier avec son bâton de chasse et d’une femme, qui tous deux paraissaient être ses domestiques. Le vieux Philipson, qui en cette occasion n’eut pas la même exactitude de souvenir que son fils, ne vit dans la belle étrangère qu’une dame ou demoiselle de haut rang, qui s’amusait à chasser au faucon ; et, en retour d’une courte phrase de salut, il lui demanda simplement, avec la politesse convenable, si elle avait fait une bonne chasse ce matin.

« Pas plus qu’il ne faut, mon cher ami, répondit la dame ; je n’ose lâcher mon faucon si près de ce large fleuve, de peur qu’il ne vole de l’autre côté, car alors je perdrais mon bel oiseau ; mais je compte rencontrer plus de gibier quand j’aurai passé le bac dont nous approchons. — Alors, madame, dit Barthélémy, ne manquera pas d’entendre la messe dans la chapelle de Hans, et de prier pour sa réussite. — Je serais une païenne si je passais devant le saint lieu sans le faire, répondit la demoiselle. — Voilà, noble dame, qui touche au sujet dont nous parlions tout à l’heure, répliqua le guide Barthélémy ; car sachez, belle voyageuse, que je ne puis persuader à ce digne monsieur combien le succès de son entreprise dépend de la bénédiction qu’il peut obtenir de Notre-Dame-du-Bac. — Ce brave homme, » dit la jeune personne sérieusement, et même avec sévérité, « ne doit alors que peu connaître le Rhin. Je vais expliquer à ces messieurs l’avantage qu’ils trouveront à suivre votre avis. »

Elle rapprocha alors son cheval de celui du jeune Philipson ; et dit en suisse, car elle avait jusqu’alors parlé en allemand[1] : « Ne laissez pas éclater votre surprise, mais écoutez-moi ! » Et la voix était celle d’Anne de Geierstein. « Ne vous étonnez pas, dis-je, ou du moins ne montrez pas votre étonnement… Vous êtes entouré de périls. Sur cette route particulièrement, votre but est connu… et

  1. On sait qu’il y a un dialecte suisse, et qu’il diffère autant de l’allemand qu’un patois de France diffère du français. a. m.