Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/238

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l’on en veut à votre vie. Passez donc le fleuve au bac de la Chapelle, ou, comme on l’appelle ordinairement, au bac de Hans. »

Là, le guide vint se placer si près d’eux qu’il lui fut impossible de continuer la conversation sans être entendu. Au même moment, un coq de bruyère partit des buissons, et la jeune dame lança son émérillon à sa poursuite.

« Ah ! ho !… ah ! ho !… ho ! ah ! » cria le fauconnier, d’une voix dont retentirent les taillis, et il se mit à poursuivre le gibier. Le vieux Philipson et le guide lui-même suivaient avidement la chasse des yeux : tant était séduisant, pour les gens de toute condition, le plaisir de ce noble amusement ! Mais la voix de la jeune fille était un appât qui eût distrait l’attention d’Arthur de choses beaucoup plus intéressantes encore.

« Passez le Rhin, répéta-t-elle, au bac, et rendez-vous à Kirch-Hoff, de l’autre côté du fleuve. Prenez logement à la Toison-d’Or, où vous trouverez un guide fidèle pour Strasbourg. Je ne puis rester plus long-temps ici. »

À ces mots la jeune personne se leva sur sa selle, frappa légèrement son coursier avec le bout de ses rênes ; et le noble animal, déjà impatient de son retard, et de l’avance qu’avaient prise sur lui ses compagnons, s’élança d’un pas tellement rapide qu’il semblait vouloir rivaliser de vitesse avec le faucon et le gibier qu’il poursuivait. La dame et ses domestique furent bientôt hors de la vue des voyageurs.

Un profond silence succéda à leur départ, et Arthur en profita pour réfléchir à un moyen de communiquer l’avertissement qu’il avait reçu, sans éveiller les soupçons de leur guide. Mais le vieillard rompit lui-même le silence, en disant au pèlerin. « Mettez votre cheval à un meilleur pas, je vous prie, et marchez un peu en avant ; je désirerais causer en particulier avec mon fils. »

Le guide obéit ; et, comme dans le dessein de montrer un esprit trop profondément occupé des choses célestes pour admettre une seule pensée concernant celles de ce monde, qui doit passer, il entonna une hymne à la louange de saint Wendelin le Berger, mais d’un ton si discordant qu’il effrayait tous les oiseaux des buissons devant lesquels ils passaient. Il n’y eut jamais de chant moins mélodieux, ni sacré ni profane, que celui qui facilita l’entretien du vieux Philipson avec son fils.

« Arthur, dit-il, je suis intimement convaincu que ce vagabond, ce braillard hypocrite, a tramé quelque complot contre nous, et je