Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/246

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

lence à toute voix humaine qui aurait osé se mêler à son terrible murmure.

Lorsque Philipson approcha du saint lieu, Barthélémy profita du silence de son patron pour entonner deux stances à la louange de la Dame du Bac et de son fidèle serviteur Hans, après quoi, il laissa échapper cette exclamation de ravissement : « Venez ici, vous qui craignez le naufrage, ici est votre port de salut !… Venez ici, vous qui mourez de soif, ici est une fontaine de miséricordes qui vous est ouverte !… venez ici, vous qui êtes las et fatigués, c’est ici votre lieu de repos ! » Et il aurait sans doute continué long-temps sur le même sujet si Philipson ne lui eût sévèrement imposé silence.

« Si ta dévotion était absolument véritable, dit-il, elle serait moins bruyante ; mais il est bien de faire ce qui est bon en soi, même lorsqu’un hypocrite le recommande… Entrons dans cette sainte chapelle, et prions pour une heureuse réussite dans nos dangereux voyages. »

Le vendeur d’indulgences releva ces derniers mots.

« J’étais sûr, dit-il, que Votre Seigneurie est trop sage pour passer devant ce saint lieu, sans implorer la protection et l’influence de Notre-Dame-du-Bac. Attendez seulement un instant que j’aille chercher le prêtre qui dessert l’autel, afin qu’il puisse dire une messe en votre faveur. »

Là il fut interrompu par la porte de la chapelle, qui s’ouvrit soudainement, et un ecclésiastique apparut sur le seuil. Philipson reconnut aussitôt le prêtre de Saint-Paul qu’il avait vu le matin à La Ferette. Barthélémy le reconnut aussi, à ce qu’il sembla, car son hypocrite et officieuse éloquence lui manqua au moment même, et il se tint devant l’ecclésiastique, les bras croisés sur la poitrine, comme un homme qui attend sa sentence de condamnation.

« Scélérat ! » dit le prêtre en regardant le guide avec un visage sévère, « conduis-tu un étranger dans les maisons des bienheureux saints afin de pouvoir l’assassiner et t’enrichir de ses dépouilles ? Mais le ciel ne souffrira pas plus long-temps ta perfidie. Arrière, misérable ! va retrouver tes frères mécréants qui se hâtent d’arriver ici ; dis-leur que ta malice est infructueuse, et que l’étranger innocent est sous ma protection !… sous ma protection ! et quiconque osera la violer aura pour récompense le sort d’Archibald d’Hagenbach ! »

Le guide demeura complètement immobile, tandis que le prêtre lui parlait d’une manière aussi menaçante que sans réplique ; et le ministre de l’autel n’eut pas plus tôt achevé sa dernière phrase, que,