Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/255

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miné, le marchand crut avoir suffisamment gagné les bonnes grâces du rébarbatif dispensateur des fourrages, pour lui demander s’il pouvait laisser en sûreté ses balles dans l’écurie.

« Vous pouvez les y laisser si vous voulez, répondit le valet ; mais relativement à leur sûreté, vous feriez plus sagement de les prendre avec vous et de ne donner de tentation à personne en les perdant une seule minute de vue. »

Après cette réponse, l’homme à l’avoine referma la bouche, et sa pratique, malgré les nombreuses questions dont elle l’accabla, ne put le décider à l’ouvrir de nouveau.

Dans le cours de cette froide et triste réception, Philipson se rappela la nécessité de soutenir le rôle de marchand sage et circonspect qu’il avait déjà oublié une fois durant la journée, et faisant ce qu’il voyait faire à ceux qui s’étaient occupés comme lui de panser leurs chevaux, il se chargea de son bagage et le transporta dans l’intérieur de l’hôtellerie. On le laissa entrer, plutôt qu’on ne l’introduisit, dans la grande salle ouverte au public en général, ou Stube, lieu de réunion qui, comme l’arche du père Noé, recevait toute espèce de gens sans distinction, propres ou malpropres.

Le Stube[1] d’une auberge allemande tirait son nom du grand poêle qui est toujours chauffé de manière à conserver la chaleur de l’appartement où il est placé. Il y avait des voyageurs de tout âge et de toute condition rassemblés à l’entour… Leurs vêtements de dessus tapissaient les murailles, où ils étaient indistinctement suspendus pour sécher ou pour prendre l’air, et les hôtes eux-mêmes s’occupaient de certaines ablutions, de changements d’habits et d’autres actes de propreté qui généralement, dans nos temps modernes, ne se passent que dans l’ombre du cabinet de toilette.

Les sentiments plus raffinés de l’Anglais furent dégoûtés de cette scène, et il éprouva de la répugnance à y jouer aussi un rôle. C’est pourquoi il demanda où était l’appartement privé de l’hôte lui-même, espérant que, grâce à des arguments qui sont ordinairement puissants auprès de ses semblables, il pourrait obtenir une chambre séparée de la foule, et un morceau qu’il mangerait aussi en son particulier. Un ganymède à cheveux gris, auquel il demanda où était l’hôte, lui indiqua un enfoncement derrière l’énorme poêle, où voilant sa gloire dans un coin fort obscur mais extrêmement chaud, le grand homme prenait plaisir à se soustraire aux regards du public. Il y avait quelque chose de remarquable

  1. Poêle, ou chambre dans laquelle il se trouve. a. m.