Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/273

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

on se trouvait avec un pareil individu, il était nécessaire de s’abstenir de toute question faisant, même de loin, allusion à la charge qu’il remplissait dans le tribunal secret ; et même témoigner la moindre curiosité sur un sujet si solennel et si mystérieux devait infailliblement attirer un grand malheur sur les curieux.

Toutes ces choses se présentèrent soudain à l’esprit de l’Anglais : il sentit bien qu’il était tombé entre les mains d’un tribunal inflexible, dont les actes étaient si redoutés de ceux qui résidaient dans le cercle de leur puissance, que l’étranger sans amis devait avoir peu de chances de recevoir justice d’eux, si persuadé qu’il fût de son innocence. Pendant que Philipson faisait cette mélancolique réflexion, il se déterminait en même temps à ne pas abandonner sa propre cause, mais à se défendre le mieux possible, convaincu qu’il était que ses juges terribles et sans responsabilité étaient néanmoins dirigés par certaines règles d’équité, qui adoucissaient les rigueurs de leur code extraordinaire.

Il restait donc couché, réfléchissant aux meilleurs moyens d’obvier au danger présent, tandis que les personnes qu’il voyait s’agitaient devant lui avec leurs lumières, moins comme des formes distinctes et individuelles que comme les fantômes d’une fièvre, ou cette fantasmagorie dont une maladie des nerfs optiques peuple, ainsi qu’on le sait, la chambre d’un malade. Enfin elles s’assemblèrent au milieu du souterrain où elles avaient d’abord apparu, et semblèrent se ranger en ordre. Un grand nombre de torches noires furent successivement allumées, et la scène devint distinctement visible. Au centre de la salle, Philipson put alors apercevoir un de ces autels qu’on retrouve parfois dans les vieilles chapelles souterraines. Il faut nous arrêter ici pour décrire brièvement non seulement l’extérieur, mais encore la nature et la constitution de cette terrible cour.

Derrière l’autel qui semblait être le point central sur lequel tous les yeux étaient fixés, l’on voyait deux bancs revêtus d’étoffe noire, placés en ligne parallèle. L’un et l’autre étaient occupés par un certain nombre de personnes qui paraissaient réunies pour juger ; mais celles qui se trouvaient au premier banc étaient moins nombreuses, et paraissaient d’un rang supérieur à celles qui encombraient le siège le plus éloigné de l’autel. Les premiers semblaient être tous des gens de quelque importance, des prêtres occupant de grandes dignités dans leur ordre, des chevaliers ou des nobles ; et malgré l’apparence d’égalité qui semblait présider à cette singulière institution,