Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/290

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n’êtes pas le premier pauvre homme ou pèlerin qui aurait gagné les bonnes grâces d’une grande dame ; mais je vous réponds que ce n’était pas en faisant d’humbles excuses, en alléguant qu’on était venu sans intention. Je l’entretiendrai d’un amour que toute l’eau du Rhin ne pourrait refroidir et qui vous a amené ici, ne vous laissant pas d’autre choix que d’y venir ou dépérir ! — Oh ! mais Annette, Annette… — Mon Dieu ! que vous êtes sot ; raccourcissez un peu mon nom, criez Anne, Anne ! et vous aurez alors plus de chance qu’on vous réponde !… »

À ces mots, la vive soubrette sortit en courant de la chambre, enchantée, comme une montagnarde de son caractère devait l’être, d’avoir fait ce qu’elle aurait désiré qu’on fît pour elle, d’avoir tâché par pure bienveillance de réunir deux amants lorsqu’ils étaient à la veille d’une séparation inévitable.

Ainsi satisfaite d’elle-même, Annette monta rapidement un escalier tournant et étroit, conduisant à un cabinet de toilette où la jeune maîtresse était assise, et s’écria dès son entrée : « Anne de Gei… je veux dire madame la baronne, ils sont arrivés ! ils sont arrivés ! — Les Philipson ? » dit Anne, respirant à peine en faisant cette question.

« Oui… non… répondit la soubrette ; c’est-à-dire oui… car le meilleur des deux est arrivé : c’est Arthur. — Que dis-tu donc, ma fille ? M. Philipson le père n’est-il pas avec son fils ? — Non, en vérité, et je n’ai pas même songé à m’informer de lui. Il n’a jamais été de mes amis, ni l’ami de personne, excepté du vieux landamman ; et ils se rencontraient bien pour faire une couple de benêts, avec leurs éternels proverbes à la bouche, et leurs soucis sur le front. — Méchante ! fille étourdie ! qu’as-tu fait ? ne t’avais-je pas avertie et commandé de les amener tous deux ici ? Et tu amènes le jeune homme seul dans un lieu où nous sommes presque en solitude ! Que va-t-il… que pourra-t-il penser de moi ? — Mais que pouvais-je donc faire ? » répliqua Annette, qui ne se tenait pas pour battue. « Il était seul, devais-je l’envoyer au village pour qu’il y fût assassiné par les lansquenets du rhingrave ? Tout ce qui tombe dans leur filet, je pense, est poisson pour eux. Et comment lui est-il possible de traverser un pays qui est hérissé de soldats errants, de barons voleurs, j’en demande pardon à Votre Seigneurie, et de bandits italiens qui accourent sous l’étendard du duc de Bourgogne, pour ne pas parler du plus grand sujet de crainte qui, d’une manière ou d’une autre, n’est jamais