Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/305

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leurs dans des circonstances qui pussent confirmer encore leurs très ridicules soupçons, qu’elle ne considérait que comme moyen d’amusement. Les histoires auxquelles sa conduite donnait lieu n’avaient point de fin. Sa première apparition dans le château fut, dit-on, très pittoresque et tenant du merveilleux. Avec la légèreté d’un enfant, elle avait des passions enfantines, et tandis qu’elle encourageait la circulation des légendes les plus extraordinaires parmi les gens du voisinage, elle cherchait querelle à des personnes de sa propre qualité sur le rang et la préséance, points sur lesquels les dames de Westphalie ont toujours été d’un rigorisme extrême. Cela lui coûta la vie ; car, le matin du baptême de ma pauvre mère, la baronne d’Arnheim mourut inopinément, alors même qu’une brillante compagnie était assemblée dans la chapelle du château pour assister à la cérémonie. On croit qu’elle mourut empoisonnée par la baronne de Steinfeldt, qui lui portait une haine mortelle parce qu’elle avait pris fait et cause un jour en faveur de la comtesse de Waldstetten, son amie et sa compagne. — Et la fameuse opale ?… Et la goutte d’eau bénite sur le front ? dit Arthur Philipson. — Ah ! répliqua la jeune baronne, je vois que vous désirez entendre la véritable histoire de ma famille, dont vous ne connaissez encore que la légende romanesque… On eut nécessairement recours à l’eau pour faire revenir ma grand’mère à elle lorsqu’elle s’évanouit. Quant à l’opale, j’ai entendu dire qu’elle devint réellement pâle, mais seulement parce qu’il est dans la nature de cette noble pierre de pâlir à l’approche du poison. Le vrai motif de la querelle avec la baronne de Steinfeldt était le droit de la jeune personne à porter cette pierre qu’un des ancêtres de sa famille avait conquise dans une bataille contre le soudan de Trébizonde. Toutes ces choses furent confondues dans la tradition populaire, et les faits réels se changèrent en un conte de fée. — Mais vous ne m’avez rien dit, » répliqua à voix basse Arthur Philipson, « de… — De quoi ? — De votre apparition la nuit dernière. — Est-il possible qu’un homme de sens, un Anglais, ne puisse deviner l’explication que j’ai à lui donner, quoique non très distinctement peut-être ? Mon père, vous le savez bien, a joué un grand rôle dans les troubles du pays, et s’est attiré la haine de maints personnages puissants. Il est donc obligé d’agir en secret et d’éviter, autant que possible, les regards. D’ailleurs il ne se souciait pas de se rencontrer avec son frère le landamman. Je fus donc avertie, dès notre entrée en Allemagne, que l’on me préviendrait, par un signal con-