Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/373

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lançant par dessus la tête de ceux qui étaient plus proches, et chacun proclamant son nom et son titre en jetant le gage du combat. « Je combattrai envers et contre tous, » dit l’audacieux jeune Suisse, en ramassant les gantelets à mesure qu’ils tombaient retentissants autour de lui. « Encore ! gentilshommes, encore ! un gant pour chaque doigt ! Allons, encore un ! Une lice libre, des juges équitables, le combat à pied ; les armes, des épées qu’on manie à deux mains, et je ne reculerai pas devant une vingtaine comme vous. — Arrêtez, messieurs, de par l’obéissance que vous me devez, arrêtez ! » s’écria le duc, satisfait en même temps qu’un peu apaisé par le zèle qu’on déployait pour sa cause… ému par l’air d’intrépide bravoure que montrait le provocateur avec une hardiesse assez semblable à la sienne… peut-être aussi, jaloux de témoigner, en présence de sa cour plénière, plus de modération qu’il n’avait d’abord été capable de le faire. « Arrêtez, je vous le commande à tous… Toison-d’Or, ramasse ces gantelets et rends-les chacun à son propriétaire. Dieu et saint George nous gardent de hasarder la vie même du moindre de nos nobles Bourguignons contre un rustre tel que ce paysan suisse, qui n’a jamais seulement monté à cheval, totalement étranger à la courtoisie d’un chevalier et à la grâce d’un seigneur. Allez porter ailleurs vos grossières vociférations, jeune homme, et sachez que, dans l’occasion présente, la place Morimont serait pour vous la seule lice convenable, et le bourreau votre seul digne antagoniste. Et vous, messieurs, ses compagnons… dont la conduite, en laissant ce rodomont vous mener à son gré, semble montrer que les lois de la nature aussi bien que de la société sont renversées chez vous, et que vous préférez la jeunesse à la vieillesse, de même que les paysans aux nobles… Vous, gens à barbe blanche, dis-je, n’y a-t-il personne parmi vous qui puisse expliquer le but de votre message en termes qu’il convienne à un prince souverain d’entendre ? — Dieu nous garde, » répliqua le landamman en s’avançant et en imposant silence à Rudolphe Donnerhugel, qui commençait déjà une réponse un peu vive… « Dieu nous garde, noble duc, de n’être pas capables de parler de manière à être compris devant Votre Altesse, puisque j’espère que nous y parlerons un langage de vérité, de paix et de justice. Même, si par notre humilité nous devions disposer Votre Altesse à nous entendre plus favorablement, je m’humilierais volontiers, plutôt que de vous voir nous écouter avec répugnance. Quant à mol, je puis vraiment dire que, quoique j’aie vécu, quoique j’aie résolu par