Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/435

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Rhin, et il se rendit à la cour de Charles, qui recevait volontiers les nobles de tous les pays, pourvu qu’ils eussent de beaux noms, bien sonores, avec les titres de comte, de marquis, de baron, et autres semblables, propres à ne pas déshonorer les premiers. Mon oncle fut donc reçu très amicalement ; mais au bout d’une année ou deux, cette amitié cessa. Mon oncle Albert obtint une grande influence dans quelques sociétés mystérieuses que Charles désapprouvait ; et le duc se fâcha tellement contre mon pauvre oncle, qu’il fut obligé de prendre les ordres et de se faire raser les cheveux pour conserver sa tête. Mais quoique ses cheveux soient coupés, sa tête travaille toujours autant que jamais ; et quoique le duc l’ait laissé en liberté, néanmoins il le trouve si souvent dans son chemin que tout le monde croit qu’il n’attend qu’un prétexte pour l’arrêter et le mettre à mort. Mais mon oncle soutient qu’il ne redoute pas Charles, et que tout duc qu’il est, Charles a plus raison de craindre que lui-même… D’ailleurs vous avez vu combien il a joué hardiment son rôle à La Ferette. — Par Saint-George de Windsor ! voulez-vous parler du prêtre noir de Saint-Paul ? — Ah !… ah !… vous me comprenez à présent. Eh bien ! il prétend que Charles n’oserait le punir pour la part qu’il a prise à l’exécution d’Hagenbach ; et le duc ne l’a réellement pas osé, quoique mon oncle Albert ait siégé et voté dans les États de Bourgogne, quoiqu’il ait travaillé de tous ses efforts à leur faire refuser l’argent que Charles leur demandait. Mais lorsque la guerre contre les Suisses éclata, mon oncle Albert sentit que la qualité d’ecclésiastique ne le protégerait plus, et apprenant que le duc avait l’intention de l’accuser de correspondre avec son frère et ses compatriotes, il parut tout-à-coup dans le camp de Vaudemont à Neufchâtel, et fit annoncer à Charles par un message qu’il renonçait à son serment d’allégeance, et qu’il le défiait. — La singulière histoire ! l’homme actif et inconstant ! — Oh ! vous pourriez courir le monde sans trouver le pareil de mon oncle Albert. Puis, il sait tout. Il a dit au duc Ferrand que vous étiez dans ces environs-ci, et il s’est offert pour aller prendre lui-même des informations plus précises… Oui, quoiqu’il ait quitté le camp suisse cinq ou six jours seulement avant la bataille, et que la distance d’Arles à Neufchâtel soit de quatre cents milles pleins, cependant nous l’avons rencontré, lorsque le duc Ferrand, et moi qui lui servais de guide, nous accourions ici, au sortir du champ de bataille même. — Rencontré !… rencontré qui ? Est-ce le prêtre noir de Saint-Paul que vous avez