Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/451

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se rallieront jamais. On ne vit jamais de déroute plus complète, plus irréparable. Nous fuyions comme des cerfs, des moutons, et tous ces autres animaux timides qui ne restent en compagnie que parce qu’ils ont peur de se séparer, mais ne songent jamais à se mettre en ordre ou en défense. — Et le duc ? dit le comte d’Oxford. — Nous l’entraînâmes avec nous, répondit le soldat, plutôt par instinct que par fidélité, comme des hommes qui s’échappant d’un incendie, saisissent ce qu’ils ont de précieux sans savoir ce qu’ils font. Chevaliers et varlets, officiers et soldats, tous fuyaient poursuivis par la même terreur panique ; et chaque retentissement du cornet d’Uri derrière nous doublait la vitesse de nos ailes pour fuir. — Et le duc ? répéta Oxford. — D’abord il résista à nos efforts et lutta pour retourner vers l’ennemi ; mais quand la fuite devint générale, il prit le galop comme nous sans dire un mot, sans donner un ordre. Nous crûmes alors que son silence et son impassibilité, si extraordinaire dans un caractère si violent, nous faciliteraient les moyens de pourvoir à sa sûreté personnelle. Mais quand nous eûmes galopé tout le jour sans pouvoir lui arracher une seule parole en réponse à toutes nos questions… quand il refusa d’un air sombre toute espèce de rafraîchissement, quoiqu’il n’eût pris aucune nourriture de toute cette désastreuse journée… quand nous vîmes que toutes les variations de son caractère fantasque et capricieux étaient étouffées par un désespoir silencieux et farouche, nous tînmes conseil sur ce qu’il fallait faire, et il n’y eut qu’une voix pour que j’allasse vous supplier, vous, aux seuls conseils de qui Charles a jamais été connu pour avoir montré quelque déférence, de venir le plus tôt possible au lieu de retraite qu’il a choisi, et d’employer toute votre influence pour le réveiller de sa léthargie, qui autrement peut terminer son existence. — Et quel remède y puis-je apporter ? dit Oxford. Vous savez comme il a négligé mes avis, lorsqu’en les suivant il eût servi ses intérêts et les miens. Vous n’ignorez pas que ma vie n’était plus en sûreté parmi les misérables qui entouraient le duc et qui exerçaient sur lui tant d’influence. — Très vrai, répondit Colvin ; mais je sais aussi qu’il est votre ancien compagnon d’armes, et il me siérait mal d’apprendre au noble comte d’Oxford ce que les lois de la chevalerie exigent. Quant à la sûreté de Votre Seigneurie, tout honnête homme dans l’armée est prêt à vous la garantir. — C’est bien là ce qui m’inquiète le moins, » dit Oxford avec indifférence ; « et si réellement ma présence peut être utile au duc… si je pouvais croire qu’il désirât que… — Il la désire, milord, il la désire, » ré-