Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/475

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tomba dans une profonde rêverie qui dura presque dix minutes. Enfin, tressaillant tout-à-coup, il dit : « Mon fils, donnez ordre à Thibaut et à nos hommes de tenir nos chevaux prêts devant la tente au point du jour, ou plutôt avant ; et il n’y aurait pas de mal à ce que vous demandassiez à notre voisin Colvin de nous accompagner dans notre excursion. Je visiterai les avant-postes dès l’aurore. — C’est une résolution soudaine, mon père, dit Arthur. — Et pourtant elle peut être prise trop tard. S’il eût fait clair de lune, j’aurais tenté quelques rondes cette nuit. — Il fait noir comme dans la gorge d’un loup. Mais pourquoi, mon père, cette nuit en particulier excite-t-elle vos alarmes ? — Mon fils Arthur, peut-être allez-vous trouver votre père crédule ; mais ma nourrice Marthe Nixon, était une femme du Nord et pleine de superstition. Surtout elle avait coutume de dire qu’un changement subit et non motivé dans le caractère d’un homme, comme du libertinage à la sobriété, de la tempérance à la débauche, de l’avarice à d’extravagantes dépenses, de la prodigalité à l’amour de l’argent, annonçait un changement immédiat dans sa fortune ; indiquait quelque mutation grave dans sa position, soit en bien, soit en mal, et en mal très probablement, puisque nous vivons dans un monde mauvais : tel était celui dont le caractère variait. L’idée de cette vieille femme m’est revenue si étrangement à l’esprit, que je suis déterminé à voir de mes propres yeux, avant l’aurore de demain, si toutes mes sentinelles et mes patrouilles autour du camp sont bien à leur poste. »

Arthur fit les communications nécessaires à Colvin et à Thibaut, puis se retira pour reposer.

Ce fut à la pointe du jour, le 1er janvier 1477, époque longtemps mémorable par les événements qui la marquèrent, que le comte d’Oxford, Colvin et le jeune Anglais, suivis seulement par Thibaut et deux autres serviteurs, commencèrent leur ronde autour des campements du duc de Bourgogne. Dans la plus grande partie de leur tournée ils trouvèrent les sentinelles et les gardes toutes en alerte et à leur poste. C’était une matinée froide ; la terre était en partie couverte de neige ; cette neige avait été en partie fondue par un dégel qui avait duré deux jours, mais ensuite s’était transformée en glace par une gelée qui avait commencé le soir précédent et continuait encore ; il eût été difficile de voir une scène plus triste.

Mais quelles furent la surprise et l’alarme du comte d’Oxford et