Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/68

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oncle, qu’une tâche trop grande pour vous devait être trop difficile pour eux. — Ils parlaient sainement ; et l’étranger, a-t-il tendu l’arc ? — Oui, mon oncle ; mais il a d’abord écrit quelque chose sur un morceau de papier qu’il m’a mis dans la main. — Et ensuite a-t-il tiré, a-t-il touché le but ? » continua le Suisse étonné.

« Il commença par placer la perche deux cents toises plus loin qu’elle n’était. — C’est singulier ! c’est le double de la distance ordinaire. — Il banda alors l’arc, continua la jeune fille, et décocha l’une après l’autre, avec une incroyable rapidité, les trois flèches qu’il avait passées dans sa ceinture. La première perça la perche, la seconde coupa la ficelle, la troisième tua le pauvre oiseau qui s’élevait déjà dans les airs. — Par sainte Marie d’Einsiedlen ! » s’écria le vieillard immobile de surprise, « si vos yeux ont réellement vu ces choses, ils ont vu manier l’arc comme on ne le mania jamais dans les cantons de Forêts. — Je répliquerai à cela, mon vénérable parent, » dit Rudolphe Donnerhugel, qui était évidemment contrarié, « que c’est pur hasard, ou du moins illusion ou sortilège. — Et toi-même, qu’en dis-tu Arthur, » demanda son père en souriant ; « ton succès est-il le résultat du hasard ou de l’adresse ? — Mon père, répondit le jeune homme, je n’ai pas besoin de vous dire que je n’ai accompli qu’une prouesse bien ordinaire pour un archer anglais. Je ne parle pas pour satisfaire cet orgueilleux et ignorant jeune homme, mais c’est pour notre digne hôte et pour sa famille que je consens à répondre. Mon adversaire m’accuse d’avoir fasciné les yeux des spectateurs ou d’avoir touché le but par hasard. Quant à l’illusion, voici encore la perche traversée, le cordon coupé, le pigeon mort : on peut les voir et les manier ; en outre, si cette jolie demoiselle veut bien ouvrir le billet que je lui ai mis dans la main, elle pourra, après l’avoir lu, vous assurer que, même avant de tendre l’arc, l’avais fixé les trois buts que je me proposais d’atteindre. — Montrez-nous le papier, bonne nièce, dit son oncle, et terminez la controverse. — Ah ! avec votre permission, mon digne hôte, répliqua Arthur ce sont seulement quelques méchants vers qui ne peuvent être passables qu’aux yeux de mademoiselle. — Et si vous le permettez, monsieur, repartit le landamman, tout ce qui est digne des yeux de ma nièce mérite bien de venir à mes oreilles. »

Il prit alors le billet des mains de la jeune fille qui rougit en l’abandonnant. L’écriture en était si belle que le landamman s’écria de surprise ; « Aucun clerc de Saint-Gall ne pourrait écrire aussi joli-