Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/73

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et vous êtes… — Arnold Biederman, pour vous servir. Mais sachez… si la connaissance de ce fait peut vous consoler et satisfaire davantage votre sentiment de la dignité… qu’il me suffit de mettre ce vieux casque, ou même, sans me donner tant de peine, de placer une plume de faucon à mon bonnet, pour m’appeler Arnold, comte de Geierstein. Personne ne pourrait y trouver à redire… Mais conviendrait-il que monseigneur le comte conduisît en personne ses bœufs au pâturage ; son excellence éminentissime et très illustre pourrait-elle, sans dérogation, ensemencer un champ ou moissonner ? Ce sont des questions qu’il s’agirait de résoudre auparavant. Je vois que vous êtes confondu, mon respectable hôte, de me trouver à tel point dégénéré ; mais la situation de ma famille n’est pas longue à expliquer.

« Mes nobles aïeux gouvernaient ce même domaine de Geierstein, qui, de leur temps, était fort étendu, à la manière de tous les barons féodaux… c’est-à-dire qu’ils étaient parfois les protecteurs et les patrons, et plus souvent les oppresseurs de leurs sujets. Mais quand mon grand-père, Henri de Geierstein, devint possesseur de ce château, non seulement il se joignit aux confédérés pour repousser Enguerrand de Coucy et ses bandes déprédatrices, comme je vous l’ai déjà dit, mais encore, lorsque la guerre recommença avec l’Autriche, et que la plupart de ses pareils se rendirent à l’armée de l’empereur Léopold, mon aïeul adopta le parti opposé, combattit à la tête des confédérés, et contribua, autant par son habileté que par sa valeur, à la victoire décisive de Sempach, où Léopold perdit la vie, où la fleur de la chevalerie autrichienne périt à ses côtés. Mon père, le comte Williewald, suivit la même conduite, tant par inclination que par politique. Il conclut une alliance étroite avec l’état d’Unterwalden, devint membre de la confédération et se distingua tellement qu’il fut nommé landamman de la république. Il eut deux fils… moi-même et un frère plus jeune, appelé Albert. Sentant qu’il réunissait en lui une espèce de double caractère, il désira, peut-être sans trop de sagesse, s’il m’est permis ne critiquer les intentions d’un père mort, que l’un de ses deux fils lui succédât dans sa seigneurie de Geierstein, et que ; l’autre se maintint dans la condition moins brillante, mais à mon avis non moins honorable, de citoyen libre d’Unterwalden, jouissant sur ses égaux, dans le canton, de l’influence qui pourraient lui mériter les services de son père et les siens propres. Quand Albert fut âgé de douze ans, notre père nous ordonna de l’accompa-