Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/88

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que la lame ennemie fût descendue, un écart soudain le mit hors de la ligne qu’elle suivait en tombant ; et, avant que le Suisse pût relever son arme si lourde, il reçut une blessure, légère il est vrai, au bras gauche. Irrité de cet échec et de cette blessure, le Suisse leva de nouveau son épée ; et, profitant d’une force proportionnée à sa taille, il déchargea vers son antagoniste une suite de coups en face, de côté, en travers, de droite et de gauche, avec une force et une vélocité si surprenantes, qu’il fallut toute l’adresse du jeune Anglais à parer, à riposter, à esquiver, à reculer même, pour résister à une grêle de coups dont chacun en particulier semblait suffisant pour fendre le roc le plus dur. L’Anglais fut forcé de céder du terrain, tantôt marchant à reculons, tantôt se jetant d’un côté, puis de l’autre, tantôt profitant des monceaux de ruines, mais toujours épiant avec le plus grand calme le moment où la force de son ennemi furieux commencerait à s’épuiser, et où, par quelque coup imprudent et trop furieux, il se découvrirait et permettrait à son adversaire de l’attaquer de près. Ce dernier avantage s’était déjà presque présenté ; car, au milieu de sa charge impétueuse, le Suisse trébucha sur une grosse pierre cachée parmi les hautes herbes, et avant qu’il pût reprendre son équilibre, il reçut de son ennemi un coup rudement asséné sur la tête. Mais le coup glissa sur un bonnet dont la doublure renfermait un mince tissu d’acier, de sorte qu’il échappa sain et sauf, et que même, se remettant tout-à-fait, il recommença la bataille avec une furie infatigable ; mais sa respiration, à ce qu’il sembla au jeune Anglais, était devenue courte et difficile, quoiqu’il frappât avec plus de précaution.

Ils luttaient encore avec des chances égales lorsqu’une voix sévère, dominant le cliquetis des armes aussi bien que le mugissement de l’eau, cria d’un ton impétueux : « Si vous tenez à la vie, arrêtez ! »

Les deux combattants baissèrent la pointe de leurs épées, se réjouissant peut-être de l’interruption d’un combat qui, autrement, se serait terminé d’une manière fatale. Ils regardèrent autour d’eux, et aperçurent bientôt le landamman, qui portait empreint sur son front large et expressif le plus violent courroux.

« Comment donc, jeunes gens ! dit-il, n’êtes-vous pas hôtes d’Arnold Biederman ? Et pourtant vous déshonorez sa maison par des actes de violence plus convenables à des loups de montagne qu’à des êtres à qui le suprême Créateur a donné une forme d’après sa propre ressemblance, et une âme immortelle qu’on ne peut sauver