Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/96

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privilège qu’on nommait faustrecht[1], ou loi du poing, comme on pourrait dire, avait fini par l’obliger, quoiqu’il fût avancé en âge, à quitter un pays où ses moyens d’existence étaient devenus extrêmement précaires et à s’engager au service du duc de Bourgogne, qui l’employa très volontiers, attendu que c’était un homme d’une naissance illustre et d’une bravoure éprouvée, et peut-être aussi parce qu’il était sûr de trouver dans un seigneur d’un caractère barbare, rapace et hautain comme Hagenbach, un exécuteur sans scrupule de toutes les rigueurs que le bon plaisir de son maître serait tenté de lui enjoindre.

Les négociants de Berne et de Soleure se plaignirent donc à haute voix et vivement des exactions d’Hagenbach. Les impôts établis sur les marchandises qui traversaient le district de La Ferette, quel que fût le lieu de leur destination, avaient été arbitrairement augmentés, et les marchands, les trafiquants, qui hésitaient à payer tout de suite ce qu’on exigeait d’eux, s’exposaient à un emprisonnement et à des punitions personnelles. Les villes commerçantes d’Allemagne en appelèrent au duc de la conduite inique tenue par le gouverneur de La Ferette, et requirent de la bonté de Son Altesse qu’elle voulût bien rappeler Hagenbach ; mais le duc accueillit leurs plaintes avec dédain. La ligue suisse poussa ses remontrances plus loin, et demanda que justice fût faite du gouverneur de La Ferette pour avoir enfreint la loi des nations ; mais elle ne réussit pas mieux à se faire écouter ni à obtenir réparation.

Enfin la diète de la confédération résolut d’envoyer la députation solennelle dont nous avons déjà tant parlé. Un ou deux parmi ces ambassadeurs partageaient avec le calme et prudent Arnold Biederman l’espoir qu’une démarche si importante ouvrirait les yeux du duc sur les infâmes procédés de son gouverneur ; d’autres députés avaient des vues moins pacifiques et étaient décidés à rendre la guerre inévitable par suite de leurs vives représentations.

Arnold Biederman était zélé partisan de la paix, tant que sa conservation était compatible avec l’indépendance nationale et l’honneur de la confédération ; mais le jeune Philipson découvrit bientôt que le landamman, seul de toute sa famille, nourrissait ces vues modérées. L’opinion de ses fils avait été séduite et entraînée par l’éloquence impétueuse et l’empire sans borne de Rudolphe Donnerhugel qui, par quelques exploits d’une bravoure merveilleuse

  1. Mot allemand qui veut dire droit du poing. a. m.