Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 22, 1838.djvu/16

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de fournir les forces nécessaires aux exercices les plus actifs ; l’autre, sous un aspect calme et froid, n’était pas moins susceptible de cet amour enthousiaste de la gloire qui caractérisait les illustres enfants de la race normande, et qui en avait fait des souverains dans tous les coins de l’Europe où leur esprit aventureux les avait conduits pour tirer l’épée.

Ce n’était pas cependant à leur race entière que la fortune offrait de si brillantes récompenses, et celles qu’avait obtenues le chevalier solitaire, pendant deux ans de campagne en Palestine, se réduisaient à une gloire passagère et à quelques privilèges spirituels, du moins d’après ce que sa croyance religieuse lui faisait espérer. En attendant, sa mince provision d’argent s’était épuisée d’autant plus vite qu’il n’avait pas eu recours aux moyens familiers à des croisés, qui réparaient l’épuisement de leurs finances aux dépens du peuple de la Palestine. Il n’extorquait aucun don des malheureux habitants du pays, en échange d’une promesse de respecter leurs propriétés pendant les guerres avec les Sarrasins, et il n’avait encore eu aucune occasion de s’enrichir par la rançon de quelque prisonnier d’importance. La petite suite qui l’avait accompagné hors de son pays natal avait graduellement diminué à mesure que ses moyens de la maintenir décroissaient, et le seul écuyer qui lui restât était alors retenu au lit par une maladie qui le mettait dans l’impossibilité de suivre son maître. Celui-ci voyageait donc seul et sans cortège, ainsi que nous l’avons déjà vu. Mais c’était ce qui importait fort peu à notre croisé, accoutumé à considérer sa bonne épée comme sa plus sûre escorte, et ses pensées pieuses comme la meilleure des compagnies.

La nature, cependant, ne peut se passer d’aliments et de repos, et la constitution de fer du chevalier du Léopard, ainsi que son caractère patient, ne le mettait pas à l’abri de ses exigences. C’est pourquoi, lorsqu’il eut laissé la mer Morte à quelque distance sur sa droite, il salua joyeusement deux ou trois palmiers qui s’élevaient dans le lointain, et qui indiquaient la source auprès de laquelle il devait faire sa halte de midi. Son bon cheval aussi, qui avait supporté la fatigue de la marche avec la patience et la résignation de son maître, se mit à relever la tête, à gonfler ses naseaux, et à presser le pas, comme s’il eût aspiré de loin les eaux vives auprès desquelles il allait se reposer et se rafraîchir. Mais avant d’arriver à ce lieu désiré, le cheval et le cavalier étaient encore destinés à d’autres fatigues et à d’autres dangers.