Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 22, 1838.djvu/45

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Habites-tu l’enfer, ou parcours-tu le ciel ?
Ta voix est-elle un foudre, et tes pas des orages ?
Ton règne avec nos maux sera-t-il éternel ?

Ou n’es-tu qu’une force unie à la nature,
Qui, sans fin corrompant la source la plus pure,
Change le bien en mal, en vice la vertu ;
Principe malfaisant, qui toujours combattu.
Et toujours renaissant de sa propre blessure,
Nous pousse vers le crime, et n’est jamais vaincu ?

Toujours tu suis de près le rayon de lumière
Qui parfois vient dorer ce vallon de misère ;
À nos instants de joie, hélas ! toujours présent,
Les couteaux destinés à nos banquets de fêtes,
Ta main les empoisonne, en menace nos têtes ;
Tu ris quand tu les vois se rougir dans le sang.

Ainsi, depuis le jour qui marque sa naissance,
Et tant que sur la terre il traîne sa souffrance,
De l’homme en souverain tu gouvernes le sort ;
Tu causes les tourments de son heure dernière ;
Et qui pourrait répondre, esprit tout de mystère,
Que la puissance enfin s’éclipse dans la mort[1] ?

Il est assez probable que ces vers sont dus à l’inspiration poétique de quelque philosophe à demi éclairé, qui ne voyait dans la divinité fabuleuse à laquelle on a donné le nom d’Arimane, que la prépondérance du mal physique et moral. Mais aux oreilles de sir Kenneth du Léopard, ils présentèrent un sens bien différent, et chantés comme ils l’étaient par un homme qui venait de se vanter de descendre des démons, ils lui avaient semblé une invocation adressée au malin esprit lui-même. Pendant que ces blasphèmes retentissaient dans le même désert où Satan avait été repoussé par celui dont il réclamait l’hommage, il se demanda si, en prenant brus-

  1. Le digne et savant ecclésiastique par qui cette espèce d’hymne a été traduite, désire que, pour éviter toute maligne interprétation, le lecteur soit prié par nous de vouloir bien se rappeler qu’elle a été composée par un païen, auquel les causes réelles des maux physiques et moraux étaient inconnues, et qui regardait leur prépondérance dans le système de l’univers comme doivent l’envisager tous ceux qui n’ont pas participé aux bienfaits de la révélation chrétienne. Quant à nous, nous demandons la permission d’ajouter que le style du traducteur semble tenir de la paraphrase plus qu’il ne paraîtra convenable à ceux qui connaissent l’original, morceau singulièrement curieux. Le traducteur paraît avoir désespéré de rendre en vers anglais les mouvements de la poésie orientale, et peut-être aussi, comme d’autres hommes savants et ingénieux ; ne pouvant venir à bout de trouver le sens de l’original, y aura-t-il substitué le sien.