Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 23, 1838.djvu/11

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travers ces pièces désertes, quelquefois, comme dit un vieux refrain irlandais :

Pensant aux jours dès long-temps écoulés,


et quelquefois aussi souhaitant de découvrir, avec la bonne fortune de presque tous les éditeurs de romans, quelque cachette secrète, ou quelque vieux coffre massif, qui récompense mes recherches par quelque manuscrit presque illisible, renfermant des détails authentiques d’une étrange aventure, de l’époque barbare où régnait la malheureuse Marie.

Ma chère mistress Baliol sympathisait toujours avec moi quand je regrettais que des dons de ce genre ne tombassent plus du ciel, et qu’un auteur pût claquer des dents sur le bord de la mer, au point de les mettre en pièces, sans que jamais une vague apportât à ses pieds une cassette renfermant une histoire comme celle d’Automathes[1] ; qu’il pût se casser les jambes en trébuchant dans cinquante souterrains, sans y rien trouver que rats et souris, et devenir successivement locataire d’une douzaine d’ignobles greniers, sans voir d’autre manuscrit que le compte hebdomadaire pour la nourriture et le logement. Une laitière en ces temps dégénérés pourrait aussi bien laver et orner sa laiterie en espérance de trouver la pièce de douze sous de la fée dans son soulier[2].

« C’est une triste, mais trop certaine vérité, cousin, dit mistress Baliol. Je suis sûre que nous avons tous sujet de regretter le manque de ces trouvailles qui suppléent si bien à une imagination défaillante. Mais plus que nous autres, vous avez droit de vous plaindre que les fées n’aient pas favorisé vos recherches… Vous qui avez montré au monde que l’âge de la chevalerie existe encore… Tous, chevalier de Croftangry, vous qui bravâtes la fureur d’un fier apprenti de Londres, pour défendre la beauté et perpétuer le souvenir du meurtre de Rizzio. N’est-ce pas pitié, cousin, lorsque la prouesse de chevalerie était du reste si conforme aux règles ?… N’est-ce pas, dis-je, grande pitié que la dame n’ait pas été un peu plus jeune et la légende un peu plus vieille. — Ma foi, quant à l’âge auquel une dame n’a plus de droit aux bienfaits de la chevalerie et perd ses titres à l’assistance d’un brave chevalier, je m’en remets aux statuts de l’ordre ;

  1. Titre d’un roman philosophique anglais. a. m.
  2. Pièce qui se reproduit à mesure qu’on la dépense. a. m.