Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 23, 1838.djvu/112

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vénérable père était arrivé à ces hautes fonctions dans la communauté qu’il présidait, et nous pouvons ajouter, dans les conseils du royaume, où souvent prévalaient ses avis. Les objets principaux que son éducation et ses habitudes lui avaient appris à garder en vue étaient l’extension de la puissance et de la richesse de l’Église, et la destruction de l’hérésie ; il s’efforçait d’atteindre les deux fins par tous les moyens que lui procurait sa haute position. Cependant il honorait sa religion par la sincérité de sa foi, et par la moralité qui guidait sa conduite dans toutes les occasions ordinaires. Les défauts du prieur Anselme, quoiqu’ils l’entraînassent à d’énormes erreurs, et quelquefois même à la cruauté, étaient plutôt, peut-être, ceux de son siècle et de son état… ses vertus lui appartenaient.

« Ces choses faites, dit le roi, et les terres dont je vous ai parlé une fois assurées à ce monastère par un don royal, vous pensez, mon père, que je serai assez avant dans les bonnes grâces de notre sainte mère l’Église pour m’appeler son respectueux fils ? — Certainement, mon souverain, répondit le prieur ; plût à Dieu que tous les enfants de l’Église apportassent à l’efficace sacrement de la confession une aussi profonde conviction de leurs erreurs, et autant de désir de réparer leurs torts ! Mais j’adresse ces paroles consolantes, non à Robert, roi d’Écosse, mais seulement à mon humble et pieux pénitent, Robert Stuart de Carrick. — Vous me surprenez, mon père ; j’ai peu de remords sur la conscience pour tout ce que j’ai pu faire en ma qualité de souverain, puisque je suis moins ma propre opinion que l’avis des plus sages conseillers. — C’est là que gît le danger, sire, répliqua le prieur. Le saint-père reconnaît dans chacune des pensées, des paroles et des actions de Votre Majesté, un obéissant vassal de la sainte Église ; mais il est des conseillers pervers qui obéissent à l’intérêt de leur mauvais cœur, en abusant du caractère bon et facile de leur monarque, et en le poussant, sous prétexte de servir ses intérêts personnels, à des actes préjudiciables à son salut éternel. »

Le roi Robert se redressa dans son fauteuil, et prit un air d’autorité qu’il ne déployait pas d’ordinaire, quoiqu’il lui allât à merveille.

« Prieur Anselme, dit-il, si vous avez découvert quelque chose dans ma conduite, comme roi ou simple particulier, qui puisse mériter la censure que vos paroles semblent indiquer, votre de-