Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 23, 1838.djvu/119

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dans la familiarité du frère, le respect qui est dû au roi. — Oh : cela est vrai, très-vrai ! Robin, répondit le roi, le trône est comme un roc escarpé et stérile où fleurs ni arbrisseaux ne peuvent prendre racine. Tous les tendres sentiments, toutes les douces affections sont refusés à un monarque ; un roi ne doit pas embrasser un frère… Il n’ose s’abandonner à sa tendresse pour un fils ! — Tel est sous quelques rapports le sort de la grandeur, Sire, répliqua Albany ; mais le ciel, qui a éloigné à quelque distance de la sphère de Votre Majesté les membres de sa propre famille, lui a donné tout un peuple de sujets pour être ses enfants. — Hélas ! Robert, votre cœur est mieux façonné aux devoirs d’un souverain que le mien. Je vois, de la hauteur où le destin m’a placé, cette multitude que vous appelez mes enfants… Je les aime ; je leur souhaite du bien… mais ils sont nombreux, et si loin de moi ! Hélas ! le dernier même d’entre eux a quelque être chéri qu’il peut serrer sur son cœur, et sur lequel il peut répandre la tendresse d’un père ! Mais tout ce qu’un roi peut donner à son peuple est un sourire semblable aux rayons que le soleil accorde aux sommets neigeux des monts Grampians, d’aussi loin et sans plus d’effet. Hélas ! Robin, notre père avait coutume de nous caresser ; et s’il nous grondait, c’était avec un ton de bonté ; pourtant il était monarque aussi bien que moi ; et pourquoi n’aurais-je pas la permission, comme lui, de faire revenir mon enfant prodigue par l’affection plutôt que par la sévérité ? — Si on n’avait pas encore essayé de l’affection, mon souverain, » répliqua Albany du ton d’un homme qui exprime des sentiments qu’il lui répugne d’énoncer, « il faudrait assurément employer d’abord des moyens de douceur. Votre Grâce est à même de juger s’ils n’ont pas été tentés depuis avant long-temps, et si la rigueur et la contrainte ne seraient pas un correctif plus efficace. Il est absolument en votre royal pouvoir de prendre à l’égard du duc de Rothsay les mesures qui vous paraîtront les plus profitables à son avantage futur et à celui du royaume. — Voilà qui est mal, mon frère ; vous m’indiquez le pénible chemin que vous voulez que je suive, sans m’offrir cependant votre appui pour le parcourir… — Mon appui… Votre Grâce peut toujours le demander, répondit Albany ; mais ne dois-je pas être le dernier qui vous conseille d’adopter de violentes mesures contre votre fils et votre héritier ? moi qui devrais succéder à cette fatale couronne, si votre famille venait à s’éteindre, ce qu’à Dieu ne plaise ! Le fougueux March et le hautain