Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 23, 1838.djvu/12

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mais quant au sang de Rizzio, je ramasse le gant et soutiens envers et contre tous que les taches ne sont pas de date récente, mais qu’elles sont réellement la conséquence et le témoignage de ce terrible assassinat. — Comme je ne puis accepter le défi en champ clos, beau cousin, je me contente de demander des preuves. — La tradition non interrompue du palais et la coïncidence de l’état actuel des choses avec cette tradition. — Des explications, s’il vous plaît. — En voici… La tradition commune porte que quand Rizzio fut entraîné hors de la chambre de la reine, les assassins, qui rivalisaient à qui porterait le plus de coups, l’achevèrent à la porte de l’antichambre. Là donc fut répandue la plus grande quantité de sang ; et c’est là qu’on en voit encore les traces. Il est rapporté d’ailleurs, par les historiens, que Marie continua ses supplications pour qu’on lui laissât la vie, mêlant à ses prières des cris perçants et des exclamations, jusqu’au moment où elle reconnut qu’il avait cesser d’exister ; sur quoi elle s’essuya les yeux et dit : « À présent je travaillerai à le venger. » — Tout cela est accordé… Mais le sang ? N’aurait-il pas été lavé, ou consumé, croyez-vous, par un si grand nombre d’années ? — C’est ce à quoi j’arrivais. La tradition du palais dit que Marie donna ordre qu’on ne cherchât point à faire disparaître les traces du meurtre, traces qu’elle avait résolu de laisser à jamais subsister comme un souvenir propre à l’aiguillonner et à l’affermir dans son projet de vengeance. On ajoute que, satisfaite de savoir que les taches subsistaient, mais peu désireuse d’avoir ces vestiges sanglants sous les yeux, elle fit construire une cloison temporaire, vers l’extrémité de l’antichambre, à quelques pieds de la porte, de manière que la place couverte de sang fût séparée du reste de l’appartement, et enveloppée dans une obscurité complète. Or, cette cloison existe encore ; et comme elle traverse et rompt le plan du plafond et des corniches, il est évident qu’elle fut élevée pour accomplir quelque projet temporaire, puisqu’elle défigure les proportions de l’appartement, nuit aux ornements du lambris, et ne peut avoir été posée là que pour cacher un objet dont la vue était trop désagréable. Quant à l’objection que les taches de sang auraient disparu avec les années, je présume que si des mesures pour les effacer ne furent point prises immédiatement après le meurtre ; en d’autres termes, si on a laissé le sang s’imbiber dans le bois, les taches ont dû devenir tout à fait ineffaçables. Et sans mentionner que nos palais d’Écosse n’étaient pas