Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 23, 1838.djvu/120

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Douglas ne diraient-ils pas qu’Albany a semé la dissension entre son royal frère et l’héritier de la couronne d’Écosse, pour frayer le chemin à sa propre famille ?… Non, mon souverain… je puis sacrifier ma vie à votre service, mais je ne dois pas exposer mon honneur. — Vous dites vrai, Robin… vous dites très-vrai, » répliqua le roi se hâtant d’interpréter selon ses désirs les paroles de son frère ; « nous ne devons pas laisser voir à ces puissants et dangereux lords qu’il y a dans la royale famille rien qui ressemble à la discorde. C’est ce qu’il faut surtout éviter ; c’est pourquoi nous voulons encore essayer des mêmes indulgences, dans l’espoir de corriger les folies de Rothsay. J’aperçois de temps à autre dans ce caractère certaines étincelles qui promettent pour l’avenir, et qui doivent faire pardonner le reste. Il est jeune, très-jeune ; il est prince, et dans l’âge des passions. Nous emploierons la patience avec lui, comme fait un cavalier avec un cheval fougueux. Laissez-lui épuiser cette humeur frivole, et personne ne sera plus satisfait de lui que vous-même. Vous m’avez blâmé dans votre bonté d’être trop facile, trop retiré… Rothsay n’a point ces défauts-là. — Je parierais ma vie qu’il ne les a pas, » répondit Albany sèchement.

« Et il ne manque ni de réflexion ni de promptitude, » continua le pauvre roi plaidant la cause de son fils devant son frère. « Je lui ai fait dire d’assister au conseil d’aujourd’hui, et nous verrons comment il s’acquitte de son devoir. Vous reconnaissez vous-même, Robin, que le prince ne manque ni de pénétration ni de capacité pour les affaires quand il veut bien y donner son attention. — Sans doute, il n’en manque pas, Sire, répliqua Albany, quand il veut bien y donner son attention. — C’est ainsi que je l’entends, repartit le roi ; et j’ai le cœur réjoui de vous voir convenir, Robin, qu’il faut encore une fois essayer des voies de douceur avec ce malheureux jeune homme. Il n’a plus de mère, à présent, pour plaider sa cause, il faut s’en souvenir, Robert. — J’espère, dit Albany, que les moyens les plus agréables au cœur de Votre Grâce seront aussi les plus sages et les meilleurs. »

Le duc s’aperçut bien du simple stratagème par lequel le roi s’efforçait d’échapper aux conclusions de son raisonnement, et d’accepter, en feignant de se rendre au désir du duc, une manière d’agir contraire aux intérêts de ce dernier. Mais Albany, tout en voyant bien qu’il ne pourrait faire adopter au roi la ligne de conduite qu’il avait tracée, ne voulut point abandonner les